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   64th IFLA General Conference
   August 16 - August 21, 1998

 


Code Number: 014-118-F
Division Number: VII.
Professional Group: Editors of Library Journals
Joint Meeting with: -
Meeting Number: 118.
Simultaneous Interpretation:   No

Questions Critiques Concernant les Périodiques de Bibliothéconomie et des Sciences de l'Information : le Point de Vue d'un Auteur

Peter Johan Lor
State Library
Pretoria, South Africa


Résumé :

Trois des questions critiques concernant les périodiques de bibliothéconomie et des sciences de l'information (BSI), telles qu'identifiées par la Table ronde des éditeurs des périodiques de bibliothéconomie, sont abordées du point de vue d'un auteur résidant dans un pays sous-développé et dans lequel le secteur de la bibliothéconomie et des sciences de l'information subit des changements majeurs. (1) Couverture : le rejet d'articles soumis par des auteurs provenant de pays sous-développées n'est peut-être pas aussi important dans le domaine de la bibliothéconomie que dans d'autres secteurs, mais les périodiques de bibliothéconomie publiés dans les pays sous-développés ont un contenu moins riche parce que les auteurs de ces pays préfèrent être publiés dans des périodiques étrangers plus prestigieux, qui risquent d'être plus lus par leurs pairs. (2) Barrière linguistique et préjugés : les lecteurs de langues reconnues sur le plan international ont tendance à limiter leurs lectures aux périodiques publiés dans ces langues compte tenu de leur méconnaissance de la terminologie, des concepts et des structures légales et administratives des pays dont la langue n'est pas internationale. (3) L'équilibre entre la théorie et le contenu pratique : parce que les auteurs académiques sont incités à publier, ils ont tendance à publier dans des revues savantes. Cet aspect est illustré par les effets secondaires de la politique du système de l'Afrique du Sud d'accorder des subventions aux auteurs d'articles publiés dans les périodiques reconnus (accrédités). L'article conclut sur une liste des peines et des plaisirs des auteurs de revues de BSI.


Paper

Introduction

En acceptant de présenter une conférence sur le thème de la session, je ne prétends aucunement être un expert en la matière. J'ai eu la chance d'acquérir de l'expérience dans plusieurs aspects de la profession, l'enseignement, la recherche et la gestion. De plus, en tant qu'auteur de l'Afrique du Sud, je vis dans un pays qui subit des changements qui ont un impact sur les services de bibliothèque et d'information, et je suis très engagé dans la mise en place d'une nouvelle association professionnelle nationale. La nouvelle association, la Library and Information Association of South Africa (LIASA), doit prendre prochainement d'importantes décisions au sujet de ces publications futures, décisions qui auront un impact sur les journaux et revues professionnelles déjà existantes dans le domaine de la BIS. Ce panorama influence certes le point de vue que j'exprime aujourd'hui.

Mon intention est de débattre de trois des questions critiques soulevées par la Table ronde des éditeurs : 1. Contenu (spécialement dans les pays développés); 2. Barrière linguistique et préjugés; et 3. Représentation (équilibre entre théorie et pratique).

Contenu

On a beaucoup écrit sur les "filtres de qualité" qui ont pour effet d'exclure des articles d'auteurs de pays sous-développés parce que la pertinence et la qualité des articles sont évaluées à partir d'un point de vue occidental, plus particulièrement anglo-saxon et surtout américain. (1,2,3) Je n'ai pas personnellement vécu cette expérience. Au contraire, mon impression est que les éditeurs de périodiques étrangers de BSI déploient des efforts pour publier des articles d'auteurs de pays sous-développés, allant jusqu'à assouplir leurs critères de qualité pour accommoder certains d'entre eux. Dans notre discipline du moins, je soutiens que la prédominance d'articles provenant d'auteurs de pays industrialisés est davantage due au fait que les auteurs de ces pays ont accès à des facilités de recherche et de développement dans les domaines pointus - ce qui ne rend pas pour autant moins déplorable la situation des auteurs des pays sous-développés.

L'acceptation d'articles d'auteurs provenant de pays sous-développés par des périodiques étrangers pose cependant un problème aux périodiques locaux, publiés dans les pays sous-développés, qui se voient ainsi privés des meilleurs articles. A titre d'exemple, à la fin du boycott académique, il a été remarquable de constater que plus d'auteurs de l'Afrique du Sud tentaient de se faire publier dans des périodiques étrangers, plutôt que dans la revue South African Journal of Library and Information Science. Cette situation a été contrebalancée par un nombre accru d'articles non sollicités d'auteurs d'autres pays sous-développés, ce qui peut laisser sous-entendre qu'il y a une hiérarchisation qui s'exerce dans le monde de l'édition. Est-ce que les auteurs de BSI des pays sous-développés ont une obligation morale de publier dans les périodiques de leur pays? Leur choix est de publier dans le seul périodique général de leur pays, à tirage limité, avec une politique éditoriale moins sévère, ou de publier dans un périodique spécialisé étranger, plus prestigieux, qui risque d'être davantage lu par leurs pairs. Fâcheusement, ces pairs sont moins susceptibles de lire les périodiques publiés dans les pays sous-développés. Dans notre domaine, ce sont davantage les lecteurs, et non les éditeurs, qui sont responsables des préjugés envers les contributions des revues des pays sous-développés. Si un collègue américain, par exemple, choisit, à partir d'une bibliographie ou d'un imprimé, des articles à lire, peu importe la pertinence d'un article, il sera beaucoup moins enclin à obtenir cet article publié dans un périodique d'un pays sous-développé, que des articles publiés dans des périodiques américains, peu importe leur qualité. Le fait que notre périodique national soit publié en anglais, indexé dans Library Literature, LISA et quelque dix autres index, et disponible dans plusieurs bibliothèques américaines, fait toute la différence.

En règle générale, plus un pays a un volume imposant de publications dans un domaine donné, moins susceptible est un résident de ce pays de lire la littérature publiée dans un autre pays. Pour promouvoir la communication entre pays industrialisés et pays sous-développés, il nous faudrait des politiques éditoriales et d'autres mesures qui encourageraient l'utilisation de la littérature publiée dans les pays sous-développés.

Barrière linguistique et préjugé

Bien que je sois parfaitement bilingue (anglais et afrikaans), j'ai publié plus de 90% de mes oeuvres en anglais. L'afrikaans est une langue pleinement développée sur le plan de la terminologie en BIS, mais elle est accessible qu'à un petit nombre de lecteurs (quelques millions). Comme tout autre auteur, je souhaite atteindre un lectorat international. A titre d'information, l'Afrique du Sud a onze langues officielles, mais il n'y a pas de publications significatives en BIS dans d'autres langues que l'anglais et l'afrikaans. Les autres langues ne possèdent ni terminologie en BIS, ni lectorat.

En définitive, plus le volume de la littérature publiée dans une langue donnée est élevé et plus cette langue est lue internationalement, le moins susceptible est un lecteur de cette langue de lire de la littérature publiée dans d'autres langues. Pourquoi lire des articles dans d'autres langues quand il y en a beaucoup à lire dans sa propre langue? On doit admettre qu'il est plus exigeant de lire de la littérature scientifique et professionnelle dans une autre langue que la-sienne. Je peux lire assez facilement des romans en hollandais, français et allemand, mais je dois faire un effort pour lire des périodiques de BIS publiés dans ces mêmes langues. Une des raisons est ma méconnaissance de la terminologie technique dans ces langues. Plus fondamentalement, un lecteur de langue anglaise a des difficultés avec le schème de référence d'écriture des auteurs hollandais, français ou allemands. Un terme allemand comme Literaturversogung n'est pas facilement adaptable dans la langue anglaise. La BIS est un champ de connaissance moins universel que la physique ou la botanique. Les contextes légaux, administratifs et sociaux colorent souvent l'écriture dans notre domaine; ceci se reflète dans les références aux organisations et aux structures, souvent représentées par des acronymes et des abréviations mystérieuses. Pour comprendre des articles sur la bibliothéconomie dans le monde universitaire français ou sur les pratiques du prêt-entre-bibliothèque dans le Bulletin des bibliothèques de France, le lecteur doit avoir des connaissances du système administratif et légal de la France.

La question se pose alors : si les français, (ou tout autre auteur qui n'est pas anglophone), souhaitent que leurs articles soient lus, devraient-ils inclure dans ceux-ci des notes explicatives pour les lecteurs étrangers? Est-ce que des politiques éditoriales (exemple : explications obligatoires des acronymes et des abréviations) ou autres mesures devraient être pensées pour encourager l'utilisation des périodiques de langues étrangères?

Représentation

Est-ce que les périodiques de BIS représentent les intérêts réels des praticiens ou tendent-ils à faire le focus sur la théorie? (4) Cette question est le pendant de l'autre question : pourquoi les auteurs écrivent-ils? Dans le cas des académiciens, l'avancement de carrière est lié directement au nombre de publications. De plus, le système de valeurs des universités requiert qu'un académicien gagne sa réputation par la publication d'oeuvres originales. Les professionnels et les gestionnaires sont récompensés par le truchement d'un autre système d'évaluation. Ils sont promus et reconnus en offrant de bons services aux utilisateurs et en agissant avec professionnalisme, en relevant des défis et en gérant efficacement. Il n'est donc pas surprenant que les articles soient davantage publiés par les académiciens. Ainsi, pour les praticiens (à quelques exceptions près où les bibliothécaires et agents d'information ont un statut académique), publier est davantage une question de satisfaction personnelle que d'avancement de carrière.

Pour illustrer quelques-uns des aspects en cause, je me référerai à la situation de l'Afrique du Sud. En Afrique du Sud, les auteurs reliés à une université ou à une institution affiliée peuvent obtenir des subventions additionnelles pour leur université par le biais de leurs publications dans des revues accréditées. Les périodiques indexés dans les divers index de citations publiés aux États-Unis par l'Institute for Scientific Information (ISI) forment le noyau des périodiques accrédités. (Ceci a soulevé beaucoup de critiques). Les revues savantes nationales de l'Afrique du Sud font également partie du noyau. D'autres périodiques ont été ajoutés à la liste au fil des ans suite à des demandes des académiciens. Mais bien d'autres revues ne l'ont pas été, sans que les raisons aient été données.

Alors que bien intentionné, le système a institutionnalisé le paradigme "publier ou périr" et a eu des conséquences négatives, telle la tendance chez les auteurs à se concentrer sur des projets pointus de recherche, plutôt que de penser dans une perspective globale, plus complexe, qui n'entraîne pas des résultats à court terme, et de publier les résultats de leurs recherches en de nombreux articles distincts. Cette tendance a également affectée la BIS en Afrique du Sud. Le South African journal of library and information science (SAJLIS) est une des revues nationales publiées grâce aux subventions du Bureau for Scientific Publications of the Foundation for Education, Science and Technology. Il a été publié pour le South African Institute of Librarianship and Information Science (SAILIS), une association professionnelle qui disparaîtra en juillet 1998. SASLIS est le seul périodique accrédité en BIS de l'Afrique du Sud. Comme porteur du prestige national, ce journal doit être de "qualité internationale", bien que le comité d'édition ne soit composé que d'africains du sud. L'emphase porte sur des articles qui font état des résultats de recherches scientifiques, avec les sciences naturelles servant de modèle. Une politique éditoriale plus souple a été adoptée récemment, mais entre-temps, SASLIS est devenu un véhicule pour la publication d'articles abstrus, dans lesquels les conventions des sciences naturelles étaient suivies et même exagérées, comme l'utilisation de constructions impersonnelles. Bien que SASLIS ait reçu des commentaires positifs des académiciens étrangers, il est très peu lu par la majorité des bibliothécaires praticiens et courtiers de l'information, alors qu'une minorité distincte de lecteurs et de professeurs de BIS dans les universités continuent de publier pour maintenir un flot continu de subventions. Les besoins des praticiens sont par conséquent négligés. Un ancien éditeur a parlé de façon acerbe des articles traitant du sujet "comment bien gérer sa bibliothèque". Cependant, bien des praticiens pourraient trouver ce genre d'articles fort utiles et stimulants. Ceux-ci ont besoin d'un canal de communication pour diffuser le savoir faire. La communauté professionnelle a également besoin d'un médium réfléchissant et discursif qui permettra de stimuler le développement de réponses à des défis professionnels. (5) Ce besoin est réel autant pour les auteurs que pour les lecteurs.

La nouvelle association de bibliothéconomie de l'Afrique du Sud, LIASA est encore à définir ses activités d'édition, mais afin d'atteindre un large membership, elle optera sans doute pour une revue plutôt qu'un périodique scientifique. (SASLIS lui-même sera sans doute encore publié par un autre organisme). Le terme revue implique que l'accent sera davantage mis sur des nouvelles plutôt que sur des articles scientifiques, nouvelles qui stimuleront les échanges professionnels. Ce choix a également des conséquences sur le niveau d'écriture et le style. Les académiciens devront revoir leur façon d'écrire : non plus dans un langage et un style pompeux, mais de façon précise et explicite.

Peines et plaisirs

Pour conclure, tentons de répondre à la question suivante : qu'est-ce que les auteurs trouvent désagréable dans l'écriture et que trouvent-ils plaisant? En diététique et en éducation physique, le proverbe dit "pas de plaisir sans peine". Pour ma part, c'est toujours dans la douleur que j'écris. J'écris toujours avec des échéances qui me pendent au bout du nez. Mais les échéances sont un mal nécessaire. Sans elles, mes lectures et mes recherches seraient sans fin et jamais je n'entreprendrais d'écrire quoi que ce soit.

Quelques peines : (6)

Qu'est-ce que les auteurs aiment?

Notes

  1. Panava, Z. et Pravdic, N. Comparative evaluation of information flow from national and international journals: an emperical study in a small country. Journal of Information Science, 15(2), 1989,:71-80.

  2. Arunachalam, S. "Accessing information published in the Third World: should spreading the word from the Third World always be like swimmimg against the current?" in Wise, M. (ed.) Workshop on access to Third World conference proceedings ... Boston Spa: IFLA Programme for Universal Availability of Publications, 1993, pp.3-20.

  3. Lor, P.J. Information dependence in Southern Africa: global and subregional perspectives. African Journal of Library, Archives and Information Science, 6(1), 1996,1-10.

  4. The relationship between LIS theory and practice should not be oversimplified. It has been said that there is nothing practical as a good theory. Cf. Goldhor, H. An introduction to scientific research in librarianship. Urbana (Illinois): University of Illinois Graduate School of Library Science, 1972, p.36.

  5. Ce besoin n'a pas été adéquatement rencontré durant l'apartheid, alors que plusieurs bibliothécaires de l'Afrique du Sud évitaient les questions politiques et recherchaient un "refuge dans une profession modérée qui mettait l'emphase sur les fonctions bibliothéconomiques, la technologie et les structures organisationnelles". (Cf Lor, P.J. 1996. A distant mirror: the story of libraries in South Africa. Daedalus, 124(4), Fall 1996, 235-265). L'emphase marquée sur la "science de l'information" a été critiquée comme élitiste et technique dans un rapport du National Éducation Policy Investigation. (Cf Library & information services: report of the NEPI Library and Information Services Research Group. Cape Town: Oxford University Press, 1992, p.54.)

  6. Plusieurs de ces aspects sont traités dans Mury, M. & Walters, M. Writing for journals in library and information science: a report of a survey. Serials Librarian, 31(4), 1997, 23-40.


Traduit par : Diane Polnicky, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Texte préparé sur poste Mac, avec Microsoft Word 6.0.1