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60th IFLA General Conference - Conference Proceedings - August 21-27, 1994

Cuba dans la bibliothèque et les publications de la Société de Géographie de Paris

Nicole Simon
Bibliothèque nationale de France


ABSTRACT

La communication a pour objet de montrer la place occupée par Cuba dans les publications et la bibliothèque de la Société de Géographie de Paris. Dans la première partie, la naissance de la Société de Géographie et l'environnement scientifique qui l'a entourée sont brièvement retracés, avec notamment l'influence qu'a eu le voyage scientifique d'A. de Humboldt en Amérique latine et la publication qu'il en a faite. Dans une seconde partie est évoquée l'oeuvre des principaux voyageurs, érudits, scientifiques français qui se sont faits les interprètes de la réalité cubaine auprès de la Société de Géographie. Notre conclusion est que c'est essentiellement au XIXe siècle, et principalement dans la première moitié de ce siècle, que la Société de Géographie s'est intéressée à Cuba.


PAPER

Les fonds de la Société de Géographie de Paris (SG), la doyenne des sociétés de géographie créées dans le monde, sont abrités par la Bibliothèque Nationale de France depuis 1941. C'est un ensemble de plus de 80,000 volumes, au moins 20,000 brochures, extraits et tirés à part, plus de 2,000 revues représenta nt au moins 300,000 fascicules (dont 300 périodiques vivants), près de 300 cartons d'archives et de manuscrits, plus de 20,000 cartes dont de nombreuses manuscrites, et environ 60,000 photographies. Cette société a publié de 1822 à 1899, le Bulletin de la Société de Géographie, devenu de 1900 à 1939 La Géographie, et depuis 1947, Acta geographica.

La Société de Géographie de Paris a été créée en 1821. Elle est née dans l'environnement de la Bibliothèque royale. En effet, l'initiateur, Louis Mathieu Langlès, était bibliothécaire à la Bibliothèque royale, et tenait d'autre part un salon qui réunissait nombre de gens connus dans le monde l ittéraire et scientifique. C'est d'ailleurs parmi les membres de l'Institut (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, et Académie des sciences), que se recrutent les 7 autres membres fondateurs : Jean Denis Barbié du Bocage, qui travaillait à la Bibliothèque royale, spécialiste de la cartographie de l'Antiquité; Joseph Fourier, polytechn icien, mathématicien, ayant participé à l'expédition d'Egypte; Conrad Malte-Brun, élève du géographe Mentelle, rédacteur du Journal des Débats, fondateur des Annales des Voyages, et dont l'influence sur la géographie en France a été très profonde jusqu'à Elisée Reclus; Jean-Antoine Letronne, u n collaborateur de Malte Brun; Paul Edouard Rossel, spécialiste d'hydrographie, et le seul, avec Fourier, qui ait vraiment voyagé (en Océanie); Charles Athanase Walckenaer, polytechnicien, auteur en particulier de la Collection des relations de voyages en Afrique; Edme François Jomard, polytechnicien, créateur du dépôt des Cartes et Plans de la Bibl iothèque royale en 1828, et l'élément le plus stable de la Société de Géographie, pilier des sections de publication et de correspondance jusqu'à sa mort en 1862. Alfred Fierro1, l'historien de la Société de géographie, fait remonter les origines de celle-ci à un projet de société géographique, en juillet 1785, présenté par Jean Nicolas Buache, premier géographe du roi; ce projet aurait eu pour objet d'élaborer des cartes de bonne qualité, exploitant et mettant en valeur l a manne scientifique ramenée par les grands voyageurs du 18e siècle, les Bougainville, Cook, La Pérouse pour favoriser de nouvelles explorations. On retrouve J.N. Buache et L.M. Langlès dans une Société de l'Afrique intérieure en 1800, créée sur le modèle de l' "African Association" de Londres, elle-même née en 1788.

Mais il faut aussi et sans doute surtout comprendre la naissance de la Société de Géographie dans le contexte du début des grands voyages scientifiques, dont le savant Alexandre de Humboldt a été le précurseur et le plus illustre représentant. Humboldt avait été tenté de suivre en 1798 les savants emmenés par Bona parte dans son expédition en Egypte ("j'étais si agité, il me tardait si fort de voir d'autres plantes, un autre sol, que si j'avais trouvé MM Berthollet et Monge à Paris, je les aurais accompagnés en Egypte"). Mais c'est finalement vers les colonies américaines de l'Espagne qu'il part, avec Aimé Bonpland, avec le soutien du roi Charles IV ( "...et, ce qui parait impossible même à des Espagnols, j'ai non seulement reçu la permission royale de pénétrer partout dans les colonies espagnoles avec mes instruments, mais encore obtenu des recommandations du Roi pour tous les vice-rois et pour tous les gouverneurs"). Et de 1799 à 1804, ils explorent les Canaries, le Vénézuela, Cuba, la C olombie, l'Equateur, le Pérou, le Mexique. Revenu à Paris, où il réside de 1804 à 1827, déjà au faîte de sa gloire, il fait paraître, à partir de 1807 la monumentale édition du Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent : le dernier volume de la Relation historique du voyage en Amérique parai t en 1825, et l'Essai politique sur l'île de Cuba en 1826.

Humboldt est l'un des 217 membres fondateurs de la Société de Géographie de Paris en 1821. En dehors de cette adhésion, il ne semble pas avoir eu un rôle actif dans la vie de cette Société. Mais il est clair que l'influence de son oeuvre et de ses idées a été considérable sur les dirigeants de la Société de Géographie et la conception de la géographie qui a présidé à sa naissance. Humboldt, le "second découvreur de l'Amérique" est le précurseur de la description des caractères géologiques généraux, fondateur de la géographie générale et régionale, de la géographie des plantes, &eacu te;galement météorologue. "Nul n'a montré mieux que lui comment l'homme dépend du sol, du climat, de la végétation, comment la végétation est fonction des phénomènes physiques, comment ceux-ci dépendent eux-mêmes les uns des autres", a dit de lui Emmanuel de Martonne.

Nous pouvons constater cette influence dans l'oeuvre des savants et voyageurs qui décriront Cuba à l'attention des lecteurs du Bulletin de la Société de Géographie. Bien que doyenne des sociétés de géographie, la Société de Géographie de Paris n'a pas connu l'essor et la croissance régulière de son homologue britannique, la Royal Geographical Society de Londres, fondée en 1828, qui compte près de 7,000 membres aujourd'hui. Elle a culminé à près de 3,000 membres au d&ea cute;but du XXe siècle; mais dans le numéro spécial de 1982 d'Acta geographica consacré à l'état de la science géographique en France, on ne relève que 441 membres individuels, 136 membres institutionnels dans 25 pays différents (mais pas Cuba), 46 membres institutionnels en France; d'autre part la Société de géog raphie échange ses publications avec 215 institutions dans 52 pays différents. Cependant, son rôle dans l'évolution de la science géographique en France durant la plus grande partie du XIXe siècle a été primordial. Elle fut la seule institution géographique française jusqu'en 1873. Elle a alors reflété les préoccupations des géographes qui s'attachaient à suivre les progrès dans la découverte de la terre, à faire la carte du monde et la synthèse des explorations. Le point de vue colonialiste, en filigrane dans un certain nombre d'articles de la Société de géographie, s'affirme à partir des années 1860 : le ministre de la Marine et des colonies Chasseloup Laubat, l'initiateur de l'expansion colonialiste franç aise en Asie du Sud-Est, est le président de la Société de géographie de 1864 à 1873; pour lui la géographie devait se mettre au service de la colonisation.

Le déclin du rôle scientifique de la Société de géographie a commencé à cette époque, et ne fit que s'accélérer au début du XXe siècle. Elle voulut viser un plus vaste public sans connaissances scientifiques particulières, se faisant l'écho de l' exotisme, des voyages d'agrément et touristiques lointains; certes, elle compte actuellement à sa tête d'éminents géographes, mais sa revue Acta geographica ne connait qu'une audience limitée; ce n'est pas cette revue qui publie les travaux géographiques qui comptent dans le monde de la géographie. Les fonds de la SG, sa bibliothèque, ses publications sont une source d'un grand intérêt surtout pour le XIXe siècle. A partir de 1831, le Bulletin a privilégié la publication de documents originaux, articles, lettres, communications par rapport aux comptes rendus d'ouvrages et aux délibérations de la Société. L'Afrique, et surt out l'Afrique Noire passionne surtout les rédacteurs, et représente près de 30 % des articles originaux. L'Amérique latine vient derrière avec de 10 à 15% des articles, l'Argentine étant particulièrement bien représentée.

La part de Cuba dans le fonds et les publications de la SG est certes modeste, mais témoigne des liens qui ont uni la France et Cuba, et de l'image que l'on avait et que l'on voulait transmettre de la réalité cubaine. Nous avons publié il y a quelques années l'inventaire de ce fonds2 et deux articles ont exploité partiellement ces ressources3. Pour la présente communication, nous avons choisi d'évoquer un certain nombre de noms, que l'on trouve, soit dans les publications de la SG, soit dans le fonds de la bibliothèque (manuscrits, livres, cartes), et par l'interm&eacu te;diaire desquels est passée la connaissance de Cuba, auprès des membres de la SG. Nous verrons que le XIXe siècle est omniprésent. Nous ne parlerons pas des ouvrages de ces voyageurs, nombreux dans le fonds de la SG, qui n'ont rapporté de leur séjour dans l'île que des témoignages superficiels, anecdotiques, se rapprochant plus du récit de voyage que d'une étude se voulant scientifique. Le Bulletin de la SG, lorsqu'il les recevait, les distinguait bien d'ailleurs, dans ses compte rend us des publications vraiment géographiques : tels par exemple les ouvrages de J.J. Ampère, A. Morelet, E.M. Masse, H.Piron, de Quatrelles, J. Löwenstern, la comtesse Merlin pour le XIXe siècle, Ch. Berchon pour le début du XXe siècle.

Avant d'évoquer ces personnages qui ont contribué à transmettre l'image de la réalité cubaine aux adhérents de la Société de Géographie, il faut rappeler très brièvement quels furent les jalons de la présence française à Cuba. D'abord de 1791 à 1803, il y eut la forte vague de colons fran&cced il;ais, fuyant la révolution de Saint-Domingue, plusieurs milliers, dont beaucoup apportèrent leur savoir faire dans les plantations de café, et les "ingenios" de canne à sucre. Il y eut aussi, à partir de 1817, date des décrets de colonisation blanche, promulgués sous le gouvernement d'Alejandro Ramírez, une reprise de l'immigration fran&cc edil;aise, mais venant de France. Cependant cette immigration, assez importante au début du siècle, ira vite en s'amenuisant. Si l'influence de la culture française s'est faite sentir au 19e siècle, dans le domaine artistique, dans la mode, dans le domaine scientifique, le commerce et l'industrie étaient entre les mains de l'Espagne, des Etats Unis et de l'Angleterre.

Bertrand Huber

Commis au Ministère des Affaires étrangères, il publie en 1826 un "Aperçu statistique de l'Ile de Cuba, précédé de quelques lettres sur la Havane, et suivi de tableaux synoptiques, d'une carte de l'île, et du tracé des côtes depuis La Havane jusqu'à Matanzas". Il s'y inspire très librement de plusieurs sources : le s Letters from The Havana de Robert Francis Jameson (parues en 1821), de statistiques, et textes de Ramon de la Sagra, et d'une adaptation du libelle contre l'indépendance de l'île de Diego Tanco Bosmeniel. B. Huber l'adresse à la Société de Géographie en 1826 : dans sa correspondance , il dit avoir été encouragé dans son travail par J ean-Denis Barbié du Bocage (l'un des fondateurs de la Société de Géographie, mort le 28 décembre 1825), et l'avoir publié sous les auspices du ministre des Affaires étrangères de l'époque. Nous retrouvons B. Huber jusqu'en 1831 parmi les correspondants de la Société de Géographie. De 1828 à 1829, il fait pa rvenir des numéros des "Annales" de Ramon de la Sagra, envoyés à la Société de Géographie par le consul de France à Cuba, par l'intermédiaire du Ministère des Affaires étrangères. Il se propose d'en faire le compte rendu, et effectivement paraissent deux articles de lui en 1828 et 1829 dans le Bulletin de la Socié té de Géographie. Quelle était sa motivation ? Aspirait-il au consulat de la Havane ?

Il pense y être nommé en 1831, l'annonce à la Société de Géographie, mais n'obtient que le vice consulat à Amsterdam. Dans ses articles et son livre, on voit bien la fascination qu'exerce Cuba, sa richesse et l'accroissement vigoureux de sa prospérité : comme le fera plus tard F. Lavallée, ses articles, se référant aux meilleures sources, visent à présenter les avantages qu'offrirait Cuba pour les investisseurs français. Quels qu'aient été ses véritables objectifs, B. Huber a le mérite d'avoir été le premier à faire connaître à la Société de Géographie les travaux de Ramon de la Sagra.

Alexandre Barbié du Bocage

Il a fait paraître en 1826 le premier article de fond paru sur Cuba dans le Bulletin de la Société de Géographie. Il était le fils de l'un des fondateurs de cette société, lui-même un membre actif, un savant, titulaire de la seule chaire de géographie existant à l'Université.

Il fait un travail de compilation : "plusieurs ouvrages publiés depuis quelques années sur cette île en Angleterre et en France, nous ont déterminé à réunir quelques uns des faits qu'ils renferment et à offrir à nos lecteurs un aperçu général des derniers travaux de MM Jameson, Huber et Masse". Nous avons dé jà cité les deux premiers. Celui d'Etienne Michel Masse, L'île de Cuba et la Havane, ou histoire, topographie, statistique, moeurs, usages, commerce et situation politique de cette colonie, d'après un journal écrit sur les lieux, était paru en 1825, récit de voyage plutôt superficiel.

Alexandre Barbié du Bocage rappelle à grands traits l'époque de la découverte, l'émerveillement des hommes de Colomb s'avançant à l'intérieur de Cubanacan, la prise de possession de l'île par Velazquez. La configuration topographique et géodésique, les principales rivières, les reliefs montagneux sont minutieusemen t décrits. Il montre l'inégale répartition démographique de la population qui n'a cessé de progresser spectaculairement de 1755 jusqu'en 1817, phénomène dû aux vagues migratoires successives et à l'importation massive d'esclaves. Il évoque, de façon critique, une population indolente, oisive, accaparée par la passi on du jeu, mais aussi met en valeur le dynamisne des activités commerciales qui reposent essentiellement sur quelques produits - canne à sucre, café, tabac, bois.

Francis Lavallée

Parti de France en 1819 pour Haïti pour faire du commerce, il se retrouve à La Havane en 1820; il y tente la profession de professeur; mais il quitte cette ville pour Puerto Principe où il devient rapidement l'un de ces arpenteurs géomètres réputés que cite Esteban Pichardo, parmi lesquels on relève d'autres nombreux patronymes françai s, et qui ont participé à la réalisation de la carte de Vives.

Francis Lavallée commence à correspondre avec la Société de Géographie en 1832, adhère en 1833 et sera son principal informateur concernant Cuba jusqu'à son départ en 1848. Entre temps il sera devenu vice consul de France à Trinidad en 1834, puis en 1845 chancelier royal du consulat général de France à La Havane. Il avait eu l'ambition de devenir consul à la Havane. Seront publiés successivement dans le Bulletin de la Société de Géographie :

1836, Mémoire historique, géographique et statistique sur Cuba
1836, Notice géographique sur la ville de Matanzas
1837, Notice géographique de l'île de Pins
1840, Notice géographique pour servir à la géographie de Cuba, Matanzas, Mariel
1844, Notices historiques et géographiques sur les villes de Trinidad, Sancti Spiritus, San Juan de los Remedios.

Après son retour en France, en 1863 (alors qu'il meurt en 1864), il fait paraître une "note sur la population de l'île de Cuba d'après le recensement officiel fait en 1861". F. Lavallée a dû être influencé par l'oeuvre monumentale de Humboldt, et en particulier par le volume consacré à Cuba paru en 1826. Il a certainement lui aussi, utilisé les travaux de Ramon de La Sagra, qu'il connaissait et qui était son ami. Mais son travail d'arpenteur et de cartographe le mettait à même d'accéder à ; des sources originales. Ce travail constitue une source originale qui sera utilisée par les cartographes cubains contemporains.

De ce fait la vision qu'il offre de Cuba aux lecteurs du Bulletin de la Société de Géographie est d'un grand intérêt. Chez lui, comme chez B. Huber une décennie plus tôt, il y a certes le désir de mieux faire connaître l'île, d'attirer l'attention et l'intérêt de la France sur les richesses de ce pays, richesses agrico les, minières, commerciales, de favoriser les investissements de la métropole. Peut-être pourrait-on y voir là transparaître son activité de diplomate, de vice-consul à Trinidad.

F. Lavallée voit cependant, dans la force des préjugés et l'inertie des mentalités, ce qui pourrait être un obstacle au développement des activités florissantes de l'île que sont le commerce et l'agriculture. Alors qu'il avait fait le projet d'un réseau routier devant faciliter les communications entre les principales villes de l' &icir c;le, il écrit : "ce n'est point dans ce pays une chose facile, car les obstacles naissent souvent de la nature et encore plus de l'état social de ses habitants, et il arrive que ceux-ci sont beaucoup plus difficiles à vaincre que les premiers". Son réformisme s'accompagne d'une inquiétude devant les menaces de la politique abolitionniste, avec à sa t&eci rc;te la Grande Bretagne, qui risque de conduire à des troubles internes ou à la lutte contre l'Espagne. Il écrit, en 1844, dans sa notice sur Trinidad, pour laquelle il prévoit un avenir de place de commerce de premier ordre : "mais il faut que le pays retrouve sa tranquillité et pour cela que les abolitionnistes étrangers cessent leurs intrigues qui ne tendent à rien moins qu'à perdre Cuba, en sacrifiant ses richesses et leurs riches propriétés".

Cependant il a fait aussi oeuvre de scientifique dans ses articles, lorsqu'il donne ces descriptions minutieuses des côtes, baies, ports, montagnes, rivières, terres; on y trouve des momenclatures détaillées d'espèces animales et végétales, des différents minerais exploités, des données statistiques détaillées sur les villes qu'il étudie. Il rend compte longuement des recensements de la population de 1827, de 1842, et de 1861, notant avec soin la répartition par départements, en blancs, libres de couleur, esclaves. Et c'est avec zèle qu'il répond à la circulaire de la Société, en 1837, qui lançait un appel pour enrichir son musée : il envoie des caisses de coquillages, des échantillons de minerai, des végétaux.

Les notices géographiques qu'il a écrites sont en quelque sorte les compléments nécessaires des nombreuses cartes réalisées par l'auteur, dans le cadre de son métier "d'arpenteur géomètre des domaines royaux du département central". Il a le souci de faire connaître ces cartes à la Société de Géographie. Envoyant en 1836 son Mémoire historique géographique et statistique sur Cuba, il écrit : "Nous avions commencé l'intéressante série des plans des ports principaux de Cuba dans l'intention de les joindre ici, lorsque nous avons appris avec plaisir la p ublication de la carte de ce pays, où se trouvent consignés, avec les travaux de plusieurs géographes célèbres, nos propres résultats..." Il a envoyé à la Société de Géographie et on les retrouve dans le fonds de cartes : un plan de Puerto Príncipe de 1832, un plan des ports de Trinidad, un plan du port de Mariel, un plan du port de Matanzas. Ces deux derniers semblent inédits, car nous ne les avons pas retrouvés parmi les 10 cartes de F. Lavallée mentionnées dan s le "Catálogo de los mapas... existentes en el Archivo nacional de Cuba".

Il fait parvenir à la Société de Géographie une "grande carte topographique de l'île de Cuba", sans doute la carte de 1835, dite de Vives, à laquelle il a collaboré. Il envoie aussi l'Atlas cubano de Rafael Rodríguez, dans lequel on trouve certaines des cartes qu'il a réalisées. Il fit adhérer à la Sociét&ea cute; de Géographie les géographes cubains Alexis Helvetius Lanier et José María de la Torre. F. Lavallée fut bien pendant une dizaine d'années le principal interprète de la réalité cubaine auprès de la Société de Géographie.

Sabin Berthelot

Le dernier article d'importance paru sur Cuba dans le Bulletin de la Société de Géographie est celui de Sabin Berthelot, en 1846, Essai historique sur l'île de Cuba suivi de l'analyse de l'ouvrage de M. Ramon de la Sagra. Sabin Berthelot, secrétaire général de la Société de 1840 à 1844, avait eu un parcours assez différen t de ses collègues de la Société; ancien marin de guerre, il s'était engagé ensuite dans la marine marchande, où il avait commercé entre Marseille et les Antilles. Il avait fondé en 1840 la Société d'ethnologie, avec Vivien de Saint-Martin.

Sabin Berthelot sait utiliser des sources nombreuses et de qualité pour présenter de la réalité cubaine une vision qui se veut complète, mais aussi critique. C'est d'abord un panorama des débuts de l'histoire politique de l'Ile, des deux premiers siècles de la colonisation, pendant lesquels elle fut délaissée par la métropole; ses transformations à partir de 1762 sont montrées en s'appuyant sur R. de la Sagra : "les efforts des intérêts privés, les progrès des lumières, le contrecoup des événements extérieurs qui tournèrent à l'avantage du pays furent des éléments d'excitation qui ouvrirent toutes les sources de la prosp&ea cute;rité publique et l'élevèrent au plus haut degré de la fortune". La géographie physique est longuement évoquée. D'un point de vue botanique et zoologique, il rend hommage aux travaux des collaborateurs de R. de la Sagra et d'Alcide d'Orbigny, le botaniste Richard, l'ornithologue Cocteau. Il souligne les immenses conquêtes qui restent à faire : "si l'on excepte les bois des environs de Baracoa, toute la partie orientale de l'Il e est presque inconnue". Il analyse la constitution de la population cubaine et l'inégal taux d'accroissement des trois classes qui la composent, la classe esclave ayant un taux d'accroissement supérieur à la classe blanche pourtant numériquement plus nombreuse. Cette augmentation des esclaves adultes est imputée à leur massive introduction clandestine c ontre laquelle S. Berthelot s'insurge "introduction funeste, qui trouble, par l'énorme disproportion entre les sexes, les lois conservatrices du genre humain". Mais il ne souhaite pas l'abolition radicale de l'esclavage.

Sur le plan économique, il souligne l'état de prospérité généré par la production et le commerce du sucre et du café, mais il considère que la production locale de plantes et végétaux alimentaires a, du coup, été négligée, ce qui favorise indirectement un important marché d' importation . L'article de S. Berthelot est le dernier article d'importance consacré à Cuba jusqu'à la fin du XIXe siècle. On relève cependant, pour cette époque, dans les fonds de la bibliothèque de la SG, ouvrages, cartes, photographies, les noms de savants cubains renommés dont on sait qu'ils ont envoyé leurs ouvrages à la Sociét&e acute; de Géographie, témoignage de la poursuite des relations avec Cuba.

Alexis Helvetius Lanier

(Plano de La Habana, 1823) Arpenteur géomètre, et d'origine française, comme F. Lavallée qui l'a fait adhérer à la SG. Il est l'auteur de plusieurs dizaines de cartes et plans. E. Pichardo le cite parmi les membres de la commission composée des meilleurs "agrimensores públicos", qui assista le colonel Jasme-Valcourt, réalisateur entre 1824 et 1831 de la carte d ite de Vives (du nom du gouverneur Vives qui la fit entreprendre).

Esteban Pichardo

Il est présent avec 2 cartes et 4 ouvrages. Cartographe, l'auteur de la Geografía de la isla de Cuba connut lui aussi F. Lavallée.

José María de la Torre

Il fut aussi membre de la SG; six de ses cartes sont présentes dans le fonds.4

Andrés Poey

Ancien directeur et fondateur de l'observatoire météorologique de La Havane et son frère Felipe Poey, professeur de géologie à l'Université de La Havane. Leurs portraits photographiques sont présents dans le fonds de photographies (celui de Felipe est dédicacé à son frère Andrés), ainsi qu'un livre et dix articles d'A. Poey édités en France. De Felipe, un seul ouvrage, la Geografía física y política de la isla de Cuba.

Carlos Trelles y Govin

Il a dédicacé à la SG sa Biblioteca geografía cubana, parue en 1920. Un membre assidu de la Société de Géographie semble s'être intéressé à Cuba dans la deuxième moitié du XIXe siècle, Alfred Grandidier, le découvreur de Madagascar à laquelle il a consacré son oeuvre à partir de 1865.

Il fit un voyage aux Etats-Unis et dans plusieurs pays d'Amérique latine en 1857 - 1858. En 1858 il était à Cuba : il en rapporte plusieurs ouvrages et cartes de scientifiques cubains qu'il offre à la SG de 1883 à 1889. Dans La Géographie qui paraît de 1900 à 1939, on ne trouve que deux brèves mentions de Cuba, en 1923, à propos d'une "mission de propagande cubaine envoyée en Europe", et en 1939, à propos du 25e anniversaire de la Société de Géographie de Cuba. Acta geographica, publié depuis 1947, ne cite pas Cuba une seule fois. C'est donc bien au XIXe siècle, et particulièrement dans la première moitié de ce siècle que se situe la période des relations privilégiées entre la Société de Géographie et Cuba; il y a une conjonction de plusieurs phénomènes : l'influence des mouvements migratoires des Français de Saint-Domingue et de métropole; l'importance des courants commerciaux vers les Antilles à partir des ports de Nantes, Bordeaux, Marseille, où la traite des esclaves avait un rôle non négligeable; le rôle des grands voyages scientifiques des XVIIIe et XIXe siècles.

Plus tard, les géographes français de la Société de Géographie, sous l'influence du parti colonial, se tournèrent toujours plus vers l'Afrique et l'Extrême-Orient.

NOTES

1. Fierro, Alfred. La Société de Géographie, (Genève : Droz; Paris : Champion, 1983).
Fierro, Alfred. Inventaire des manuscrits de la Société de Géographie (Paris : Bibliothèque Nationale, 1984).
Fierro, Alfred. Inventaire des photographies sur papier de la Société de Géographie (Paris : Bibliothèque Nationale, 1986).

2. Simon, Nicole. Le fonds cubain de la Société de Géographie, (Paris : Bibliothèque Nationale, 1985).

3. Tollis - Guicharnaud, Michèle. "Une contribution à l'histoire de Cuba : le Bulletin de la Société de Géographie de Paris", in, Cuba et la France, actes du colloque de Bordeaux, décembre 1982, (Bordeaux : P.U.B., 1983) p. 87 - 125
Simon, Nicole. "Francis Lavallée, 1800 - 1864, vice consul de France à Trinidad et correspondant de la Société de Géographie", Ibid, p. 129 - 152.

4. Le fonds Bonaparte de la Société de Géographie comporte des cartes sur Cuba qui viennent d'être inventoriées. Ci-après la liste :