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63rd IFLA General Conference - Conference Programme and Proceedings - August 31- September 5, 1997

Nécessité d'un accès libre à l'information pour les parlements;
barrières possibles et solutions pratiques

Rob Brian
Bibliothécaire parlementaire
Parlement de Nouvelle-Galles du Sud
Australie


Résumé

Les législateurs ont besoin d'un accès libre et facile à l'information pertinente, précise, à jour et impartiale s'ils veulent accomplir les tâches difficiles dont ils héritent lorsqu'ils sont élus. Mais il y a un obstacle: le manque d'argent. Il faut des crédits si l'on veut recruter des employés spécialisés et compétents - tant bibliothécaires qu'attachés de recherche - et se procurer la documentation idoine. Les parlements peuvent légiférer en matière de dépôt légal pour les publications de l'entité politique. Ils peuvent également décider de s'accorder des droits de reproduction eu égard à leurs fonctions. Enfin, le réseau Internet constitue un canal rapide et en pleine expansion pour qui veut obtenir des données consultables à titre gracieux.


Papier

Sydney
Avril 1997

Dans les sociétés démocratiques modernes, le Parlement représente la volonté populaire. En principe, c'est un idéal. On peut discuter sans fin sur son degré de réalisation. On a tous à l'esprit des assemblées qui semblent avoir été élues démocratiquement mais qui sont à peine plus qu'un rouage dictatorial. Et il y a, bien sûr, des pays dans lesquels les résultats de consultations démocratiques sont ignorés et dont les élus sont mis en résidence surveillée. Ce que je vais dire ici aura peu de signification pour de tels pays. Je m'attarderai plutôt à ceux dont les parlements sont élus de manière démocratique et dont les députés, qu'ils soient de la majorité gouvernementale ou de l'opposition, représentent vraiment leurs électeurs.

Monsieur Newt Gingrich, speaker de la Chambre des représentants du Congrès des États-Unis, a écrit: «Dans la société post-industrielle, le mandat des législateurs évolue d'une fonction de négociateur de dossiers sociaux (on réglait les problèmes personnels des commettants) vers celle d'étudiant-professeur (on cherche à comprendre et à résoudre les problèmes de la collectivité)» [1] Le législateur actuel doit s'occuper de ses électeurs s'il veut être réélu. Mais ces derniers souhaitent que leurs représentants solutionnent les problèmes de la société nationale et même du monde. L'économiste américain spécialiste du développement international, monsieur John Korten, a noté: «Les peuples de la terre apprennent par l'expérience que la survie de la démocratie peut être fonction d'un changement radical d'attitudes de la société occidentale en regard des droits, des privilèges et des pouvoirs des entreprises» [2]. Et cela suppose l'accès à l'information. Sans liaison rapide avec l'information appropriée et fiable, les parlementaires sont ce qu'on appelle, en langage populaire, des personnages fantoches, des élus incapables de remplir les tâches qui leur incombent.

Le Parlement a besoin de l'information afin d'obtenir et de maintenir l'appui des citoyens, car une fois perdue la confiance dans les institutions parlementaires, la voie sera libre pour la révolution ou l'anarchie. Tout en tenant compte de politiques relatives à la vie privée et à la sécurité, le Parlement vise divers objectifs parmi lesquels on trouve le développement et la diffusion des données, l'établissement d'un appui populaire envers le système politique, la mise de services à la portée des commettants et la traduction en loi des politiques du gouvernement.

Les assemblées législatives contemporaines doivent affronter des difficultés nombreuses et complexes. Souvent les problèmes insolubles pour le secteur privé sont confiés au polissoir parlementaire. Sans les informations appropriées, les députés et les sénateurs n'ont aucune chance de rester en prise avec les changements accélérés des communautés ni de prendre les décisions qui s'imposent. On ne se surprendra pas, dès lors, que la plupart des parlements allouent une proportion considérable de leurs crédits aux services d'information et de recherche parlementaires. Les parlements qui négligent de le faire sont lourdement désavantagés.

Le principal obstacle à une information adaptée pour les parlements découle d'un manque de ressources. Sans crédits suffisants, il sera impossible de recruter les bibliothécaires et les attachés de recherche compétents qui réaliseront les études et travaux nécessaires à la transmission, aux membres des parlements, de l'information appropriée, adaptée, opportune et impartiale. La représentation nationale mérite les meilleurs collaborateurs qui soient, car les citoyens méritent le meilleur gouvernement parlementaire possible. Il peut être nécessaire d'offrir des salaires plus élevés qu'à l'habitude pour attirer les candidats ayant une bonne formation et qui seront dévoués à l'institution et, également, des programmes de perfectionnement et de formation continue. Dans mon propre Parlement, par exemple, nous encourageons les attachés de recherche, qui possèdent déjà un ou plusieurs diplômes, à poursuivre des études avancées. La bibliothèque défraye les frais d'inscription à la maîtrise chaque fois qu'un cours est couronné de succès et pourvu, cela va de soi, que le secteur d'étude réponde aux besoins du milieu parlementaire. Ainsi, notre spécialiste de l'environnement poursuit des études de maîtrise en droit environnemental. Un autre attaché d'expérience titulaire d'un doctorat en sciences politiques vient de terminer un baccalauréat en droit avec la mention «très bien». Nous sommes certains que c'est argent bien dépensé. Les travaux entrepris à l'intérieur du programme débouchent souvent sur la publication intéressante pour la maison d'un texte dans les collections «Briefing paper» ou «Background paper». Le Parlement gagne sur tous les plans.

Nous encourageons également le personnel professionnel à suivre des cours de formation continue et des conférences afin qu'il puisse rester contemporain des dernières nouveautés dans son secteur de compétence. Nous nous efforçons de réserver une somme de 25 000 $ par année sur des crédits de 2 200 000 $ pour le perfectionnement et la formation continue. Lorsque de telles séances ou conférences sont organisées par d'autres groupes de professionnels et ont lieu à l'intérieur du Parlement, nous tâchons d'obtenir quelques places.

Le personnel, quel que soit son degré de spécialisation, a besoin d'une grande quantité d'informations, peu importe leur lieu de conservation. Encore ici, la qualité de la collection est fonction des montants alloués à l'acquisition des documents et de la compétence des employés chargés de leur choix. Mais il y a certaines choses que le Parlement peut facilement faire de manière à assurer la présence des données les plus utiles.

Les parlements peuvent adopter une loi sur le dépôt légal [3] En Nouvelle-Galles du Sud, le Parlement fit de la sorte en modifiant au cours de 1952 la Loi sur le droit d'auteur [4] de 1879. À l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi, l'adjoint du premier ministre déclara: «L'objectif du projet de loi est de faire en sorte que, à l'intérieur d'un délai de deux mois, un exemplaire de tous les volumes publiés une première fois en Nouvelle-Galles soit acheminé à la bibliothèque parlementaire par l'éditeur, et ce, à titre gracieux» [5]

Des dispositions semblables existaient à l'époque au Queensland et en Australie-Méridionale. Depuis cependant, on les a fait riper dans les lois sur les bibliothèques. Et le ministre de poursuivre: «Les coûts d'une telle mesure pour les éditeurs seront minimes et les avantages qui en découleront pour la Bibliothèque législative seront appréciés par les parlementaires» [6]

La justification de l'obligation de dépôt légal était fondée sur le fait que les membres du Parlement doivent pouvoir consulter rapidement et facilement les publications locales s'ils veulent être capables de répondre aux demandes très diversifiées de leurs électeurs et s'ils veulent participer à des débats éclairés et informés. Comme le dit un intervenant: «La bibliothèque du Parlement fut créée afin que les représentants de la population soient totalement informés sur les questions qui touchent les commettants. Naturellement, il en découle... que les parlementaires doivent toujours avoir accès instantané aux données qui circulent sous forme imprimée» [7]

Jusqu'à maintenant, en Nouvelle-Galles du Sud, nous avons été avantagés puisque la plus grande partie des livres australiens sont publiés à Sydney. De fait, nous recevons à titre gratuit la plupart des titres intégrés à la collection juridique australienne.

Une lacune de la législation découle de la référence aux documents «imprimés» comme seul support de l'information. On a affaire à un anachronisme évident actuellement. Le sens donné au mot «livre» dans la loi exclurait les enregistrements audio et vidéo, les produits d'information électroniques comme les microfilms et microfiches, les disques d'ordinateur, les cédéroms, y compris les productions multi-médias et les bases de données consultables à distance. Dans d'autres États australiens, en Tasmanie, au Victoria, au Queensland et en Australie-Méridionale, on a tenté d'élargir la définition du mot «publication» et à lui faire recouvrir les microformes, le matériel audiovisuel et les docs (disques optiques compacts ou cédéroms). On peut se demander toutefois si les tribunaux décideront d'y inclure l'information stockée dans les bases de données télématiques [8] En dépit des difficultés de rédiger une loi ample, la tentative est valable si l'on veut favoriser l'accessibilité intégrale du Parlement à l'information.

La Loi sur les droits d'auteur peut constituer une barrière pour les parlementaires ayant un accès libre à l'information pertinente. En Australie heureusement, le Copyright Act 1968 (Commonwealth d'Australie) contient une disposition spéciale à l'égard de leurs besoins. Les sections 48A [9] et 104A [10] exemptent les bibliothèques parlementaires des restrictions habituelles si l'on exécute la reprographie pour un membre de sa propre assemblée.

Le directeur de la bibliothèque parlementaire peut autoriser une tierce personne à tirer des copies sous l'égide de la bibliothèque si elles sont destinées à un membre du Parlement. Je l'ai fait récemment en autorisant des agents de la Commission des affaires ethniques de l'État à faire des photocopies de résumés traduits d'articles pertinents de la presse ethnique de manière à sensibiliser les parlementaires aux questions politiques touchant les communautés allophones. La Commission de révision de la loi sur les droits d'auteur, loi fort complexe, travaille présentement à sa simplification. Les bibliothécaires parlementaires ont signifié aux membres de la Commission que les dispositions concernant les bibliothèques législatives devraient être conservées et que l'on devrait les étendre à la reproduction de documents électroniques. Personne ne semble s'opposer à l'existence de ces dispositions exceptionnelles. Je crois que tous les pays pourraient adopter des dispositions similaires de façon à faciliter aux parlementaires un accès libre et direct à l'information dont ils ont besoin.

Enfin, on trouve, à titre gracieux, une surprenante quantité d'informations sur Internet. Les seules limites proviennent du manque d'ordinateurs, d'imprimantes, de modems, de lignes téléphoniques et de fournisseurs de services. Si l'on a les crédits pour l'obtention de ces outils de base, on pourra, pour une somme entre 5 000 $ et 10 000 $, obtenir un accès instantané et gratuit à une grande quantité de données utiles. Aux États-Unis, toute l'information officielle publiée est du domaine public: on peut la reproduire en toute liberté et la republier et ainsi de suite. En Australie, nous avons un droit d'auteur pour l'État: aussi le gouvernement se prévaut-il des droits d'auteur pour l'information officielle publiée. De plus en plus, toutefois, les gouvernements consentent à y renoncer . En Nouvelle-Galles du Sud, les lois et les jugements des tribunaux peuvent être photocopiés et reproduits sans restriction. Ils sont présentement diffusés sur Internet. Plusieurs entités politiques font de même.

Il y a un bon endroit où l'on peut trouver des données destinées aux parlements: le site électronique de la Section («http://www.citec.com.au/iflaparl/») édité par monsieur Nick Bannenberg, le directeur de la bibliothèque du Parlement du Queensland. On y trouve de nombreux circuits fléchés vers d'autres dépôts d'informations, par exemple le présentoir de la bibliothèque parlementaire de la Nouvelle-Galles du Sud («http://www.parliament.nsw.gov.au/gi/library/liblinks.html»). Sans doute d'autres inforoutistes d'expérience ont-ils d'autres adresses de départ.

Nous proposons les filons suivants aux visiteurs de notre site:

Ressources internet utiles à la Bibliothèque (liens ordonnés par domaine)

Les liens proposés à l'intérieur du site électronique conduisent à d'autres sources d'information juridique, politique et parlementaire situées dans divers pays. Il va de soi qu'il est essentiel que chacun de nous essaie de convaincre ses supérieurs de rendre les publications parlementaires accessibles à titre gracieux par l'intermédiaire de l'inforoute de sorte que tous puissent les utiliser sans bourse délier. Au sein de quelques assemblées, on croit pouvoir tirer des revenus importants en monnayant la consultation de leurs publications électroniques. C'est manquer de perspectives selon moi. Le coût de diffusion des documents par l'intermédiaire d'Internet représente peu par rapport au coût du papier, de l'impression, de la reliure, de la poste, de la facturation, etc. Bref, en diffusant par ce canal , les parlements et les États épargneront, de toute manière, d'importants montants d'argent. Et puisque les publications sont réalisées aux frais des contribuables, on ne devrait pas les faire payer de nouveau pour leur consultation et leur utilisation.

Par ailleurs, cela signifie que tous les citoyens devraient avoir la possibilité de consulter aisément les publications électroniques. En Australie, la plupart des hommes et femmes politiques pourront utiliser l'inforoute. Les gouvernements rendent également disponibles les ordinateurs et internet dans les écoles et dans les bibliothèques publiques. Un électorat renseigné devrait normalement choisir de bon gouvernants. Des législateurs informés devraient adopter des lois valables et justes. Il y a des obstacles au libre accès à l'information mais ils ne sont pas insurmontables. À titre de bibliothécaires parlementaires, nous avons le devoir, mieux, la mission de travailler au développement d'une société au sein de laquelle les citoyens et leurs représentants auront un accès libre et direct à l'information utile, adaptée, opportune et impartiale.

Notes

  1. In a post-industrial era, the legislator's job is beginning to change from an inside-fixer who solved personal problems for constituents, toward a student-teacher who works and educates to solve the nation's problems» (Newt Gingrich, «On Leadership», Futurist, July 13, 1995).

  2. «People around the world are learning through experience that the survival of democracy itself may depend on a massive change in attitude in Western societies about the appropriate rights, privileges and powers of corporate entities».

  3. On pourra consulter sur le sujet: J. Lunn, «Study on a model law for legal deposit», COMLA Newsletter, No. 21 (August 1978), p. 49 et suivantes.

  4. Copyright Act 1879.

  5. «The object of this bill is to provide that a copy of every book first published in New South Wales shall be supplied by the publisher free of charge to the Parliamentary Library of New South Wales... within two months of publication» (New South Wales Parliamentary Debates, 12 March, 1952, p. 5304).

  6. «The cost to the publishers of complying with the provisions of this measure will not be great and the advantages that will accrue to the Parliamentary Library will be fully appreciated by honourable members» ( Ibid., p. 5304-5305).

  7. «The library of Parliament was established so that the representatives of the people could be fully informed on all matters affecting their constituents. Obviously it follows... that honourable members should have ready access at all times to whatever information in provided in printed form» (Ibid., p. 5309).

  8. Un tour d'horizon complet sur la question du dépôt légal et de ce qu'il faudrait pour qu'on puisse y insérer l'information télématique est fourni par Vicki Mullen dans APLA Newsletter, No. 13 (May 1995), p. 11-20. Madame Mullen était à l'époque attachée de recherche à la bibliothèque du Parlement de la Nouvelle-Galles du Sud. Depuis, elle a obtenu un poste administratif au Conseil législatif, la Chambre haute de l'État.

  9. «Reprographie pour les parlementaires: Le droit d'auteur au profit d'une oeuvre n'est pas violé lorsqu'il s'agit d'aider un parlementaire à remplir les devoirs de sa tâche, lorsque la prestation est exécutée par un fonctionnaire autorisé de la bibliothèque, étant donné que la principale raison d'être de l'organisme est la fourniture de services documentaires aux parlementaires».

  10. Services bibliothéconomiques destinés aux parlementaires: «En vertu de cette section, le droit d'auteur applicable à un document autre qu'une oeuvre n'est pas violé lorsqu'il s'agit d'une prestation exécutée par un fonctionnaire autorisé de la bibliothèque dont le principal mandat est de fournir des services aux parlementaires».

  11. Le peuple Wik c. Queensland & Ors; le peuple Thayorre c. Queensland & Ors. Ce jugement a trait aux droits relatifs aux terres des aborigènes. La Haute Cour australienne a jugé que les titres de propriété des terres ne sont pas annulés par les baux de pâturage accordés après l'établissement des Blancs. Titres et baux existent parallèlement. La décision du tribunal fait l'objet de discussions animées entre propriétaires de troupeaux et aborigènes. Le Premier ministre, John Howard, a entre les mains un plan en dix point qui lui permettrait de résoudre la question. On peut trouver le jugement à l'adresse suivante: .

  12. Des élections générales eurent lieu le 14 décembre 1996 en Australie-Occidentale. Les résultats en furent les suivants: coalition du Parti libéral et du Parti national, 62 % des sièges; Parti travailliste, 33 %; Indépendants, 5 %. On trouvera les résultats complets à l'adresse: .


Traduction de Gaston Bernier
Révision de Maria Buttazzoni
Bibliothèque de l'Assemblée nationale du Québec

1997.07.09