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64th IFLA General Conference
August 16 - August 21, 1998
Code Number: 082-78-F
Division Number: 0
Professional Group: Contributed Paper Session I
Joint Meeting with: -
Meeting Number: 78.
Simultaneous Interpretation: Yes
Être ou Ne Pas Être : Les Bibliothèques Publiques et la Révolution du Savoir Global
Qihao Miao
Shanghai Library
Shanghai, China
Résumé:
L'article débute avec une introduction sur la Révolution du savoir global et les concepts qui y sont afférents. Alors que l'infrastructure d'information nationale est en quelque sorte centrée sur la technologie, le nouveau concept d'infrastructure du savoir national est fondé sur l'humain. L'attention portée actuellement par la communauté internationale à la mise en cohérence et à l'infrastructure du savoir national founit une occasion pour la communauté des bibliothèques, et singulièrement pour les bibliothèques publiques, de retrouver et d'étendre leur rôle dans la société. Jusqu'ici, pourtant, les bibliothèques publiques ne se sont pas encore complètement impliquées dans la révolution du savoir. Pour y contribuer activement, les bibliothèques publiques doivent assumer leur rôle de serveurs du savoir en faisant une médiation du savoir avec la population, en organisant le savoir, en mettant en cohérence l'information et en mettant en réseau le savoir global.
L'article poursuit en évoquant une étude de cas en Chine, qui comprend une initiative entreprise par l'une des provinces les plus pauvres, et l'effort de restructuration d'une bibliothèque publique de pointe dans ce pays. Les deux expériences visent à rassembler l'information et le savoir en vue du développement économique et social à travers le système de lecture publique. Les expériences chinoises montrent que les bibliothèques publiques peuvent jouer un rôle essentiel dans l'infrastructure du savoir national et que les efforts actuels peuvent de manière substantielle être améliorés si l'on utilise complètement les systèmes d'information disponibles et si l'on coopère avec des partenaires extérieurs et d'autres institutions du savoir. En conclusion, l'article formule le vœu que l'IFLA prenne la responsabilité de sensibiliser et d'organiser les bibliothécaires à travers le monde de manière à ce qu'elles participent activement à la révolution du savoir global.
Paper
1. Introduction
En mai 1997, une cérémonie sobre s'est tenue dans le nouveau bâtiment de la bibliothèque de Shanghai. L'enceinte devant l'établissement, flanquée par des piliers de style roman, a été baptisée « La place du savoir» à l'occasion de cet événement. Le choix du nom était approprié étant donné que les bibliothèques arborent souvent l'étendard du savoir comme logo. La diffusion du savoir, après tout, est l'une des principales missions des bibliothèques.
Maintenant, le savoir est une question d'actualité pour la communauté internationale. On dit que les pays développés sont en train d'entrer dans une ère appelée «l'économie du savoir », qu'une «révolution du savoir » est en cours, laquelle peut avoir une influence significative non seulement sur les pays développés mais aussi sur les pays en voie de développement. Paradoxalement, de nombreuses bibliothèques semblent indifférentes cependant à cette révolution. Aujourd'hui, pour cette raison, la principale question qui se pose à la communauté des bibliothèques est de participer activement ou non à la révolution du savoir global.
Pour répondre à cette question, cet article fournira des analyses et des illustrations qui montreront que la «révolution du savoir » peut représenter une nouvelle renaissance pour la communauté des bibliothèques. La bibliothèque peut être une partie intégrante des autoroutes de l'information en offrant à la population une richesse insoupçonnée de connaissances disponibles électroniquement, à partir de différentes sources. En même temps, la bibliothèque peut servir de lieu où les hommes se reposent et se relaxent. C'est une base locale, connectée à la fois à l'économie du savoir global et au micro-royaume de l'environnement immédiat. En fait, la bibliothèque devient un pont reliant des réseaux informatiques puissants à l'utilisateur le plus démuni.
2. L'apparition de la révolution du savoir
De manière à comprendre ce qu'est la Révolution du savoir et ses relations avec la bibliothèque et les bibliothécaires, nous devons débuter par des concepts de base.
2.1.Information et savoir
Alors que les deux termes « information » et « savoir » ont tendance à être utilisés de manière interchangeable, il y a une différence légère mais significative. Un modèle de représentation bien connu est la pyramide dont la base sont les données, puis l'information, le savoir et finalement la sagesse et l'intelligence au sommet. Ce modèle simplifié montre que le savoir constitue une partie de l'information mais que toute information ne peut être considérée comme du savoir. Les progrès technologiques rapides qui sont enregistrés dans le traitement de l'information et la meilleure compréhension des deux concepts montrent qu'il est nécessaire de séparer le savoir de l'information [1]. Ce besoin se fait sentir dans la distinction des deux catégories de savoir suivantes : le savoir codifié et le savoir tacite [2,p.12-14].
Le savoir codifié est parfois appelé savoir explicite et central [3]. Il est normalement incarné par les médias et peut être transformé, transmis et enseigné. En revanche, le savoir tacite est celui des personnes éduquées ou les compétences et savoir-faire qui sont nécessaires pour maîtriser ou améliorer le savoir codifié. Les dernières années ont vu le progrès rapide des sciences et des technologies en général et des technologies de l'information en particulier. Le savoir qui est explicite, représenté et codifié peut être traité beaucoup plus aisément et à un coût meilleur marché que le savoir tacite. La barrière à l'entrée du savoir a ainsi été déplacée vers ce savoir qui est intangible, invisible et seulement dans notre esprit. Les principes et régularités de cette sorte de flux du savoir nous sont, dans une large mesure, inconnues.
2.2. L'économie du savoir et la Révolution du savoir
Le terme « économie du savoir » remonte au début des années 1990. Selon un rapport de l'OCDE publié en 1996, c'est une économie directement fondée sur la production, la distribution et l'utilisation du savoir [2,p.7]. Sur la voie de l'économie du savoir, une modification du paradigme radicale est en cours dans les systèmes économiques et sociaux. Ce mouvement a été impulsé, dans les dernières décennies, par l'innovation technologique. Des avancées dans le domaine des hautes technologies sont en train de modifier les bases de la croissance économique. La disponibilité facile et bon marché d'énormes masses de données numérisées et d'information a contribué à créer de nouveaux produits et services.
La Révolution du savoir est le processus de changement de paradigme sur la voie de l'économie du savoir. Comme le terme « révolution » le sous-entend, la mise en œuvre et les difficultés rencontrées à sa genèse vont toucher globalement tous les aspects de la vie humaine. La Conférence du savoir global qui s'est tenue au Canada entre les 22 et 25 juin dernier est une date marquante parmi les nombreuses activités relatives à la Révolution de l'information. Celle-ci a été subventionnée par la Banque mondiale et le gouvernement canadien. Plusieurs personnalités gouvernementales et le Secrétaire général de l'ONU y ont participé.
2.3. L'infrastructure nationale du savoir
Un système de connaissance nationale se définit en tant que « réseau d'institutions du secteur public et privé dont les activités et les actions initient, créent, donnent accès, rapprochent, diffusent et utilisent le savoir pour l'activité de production et la promotion du bien-être social » [5,p.7]. Un concept similaire, en l'occurrence, celui de l'infrastructure nationale du savoir, est apparu dans la version du rapport du développement mondial, datée du 30 juin 1998. Il est intéressant de comparer les éléments principaux de l'infrastructure nationale du savoir (INS) avec ceux de l'infrastructure nationale de l'information (INI), particulièrement leur séquence (voir tableau 1). Selon le rapport provisoire de la Banque mondiale en 1998, les réseaux de connaissance constituent des relations entre les personnes éduquées et leurs organisations. Il y une différence explicite entre les deux. En bref, l'infrastructure nationale de l'information est dans une large mesure, une infrastructure technologique, alors que l'infrastructure du savoir est une infrastructure humaine.
TABLEAU 1. Comparaison des éléments clés entre infrastructure nationale de l'information et infrastructure nationale du savoir.
Infrastructure nationale du savoir | Infrastructure nationale de l'information |
1. personnes éduquées | 1.un large éventail d'équipements renouvelés |
2. les institutions du savoir | 2.l'information elle-même |
3.les réseaux d'information | 3. les applications et les logiciels |
4. infrastructure de télécommunications | 4. standards et codes de transmission |
| 5.les personnes : vendeurs, opérateurs, fournisseurs de services |
Source : INS, [6] ; INI [7]
3. La bibliothèque publique en tant que partie de l'infrastructure du savoir
3.1 La révolution du savoir pour les bibliothèques publiques : malédiction ou bénédiction ?
Tout particulièrement dans les pays en voie de développement, les bibliothèques publiques semblent moins avancées dans le domaine de l'informatique que les bibliothèques universitaires ou les centres de documentation d'entreprise. Les bibliothèques publiques ont manifesté un moindre enthousiasme face à l'avènement de l'âge de l'information. Quelques établissements ont estimé que de nombreuses fonctions traditionnelles des bibliothèques allaient être remplacées par l'informatique et les réseaux. Lors de certaines discussions dont la teneur étaient pessimiste, on jugeait que la profession traditionnelle de bibliothécaire était vouée à l'extinction. La seule question qui restait à déterminer est la vitesse à laquelle cette disparition adviendrait. Même des commentateurs optimistes ont considéré que le rôle du bibliothécaire à l'époque de l'ère de l'information serait d'être un intermédiaire passif qui bénéficierait des succès engendrés par d'autres partenaires. Dans les deux cas, le bibliothécaire n'est pas vu comme un acteur du changement dans la création et la diffusion du savoir dans le futur.
Cet état de fait peut partiellement expliquer pourquoi il n'y a pas de présence significative des bibliothèques publiques dans les activités relatives au savoir menées par la Banque mondiale. Une recherche informatisée sur le site Internet officiel de la conférence sur le savoir global en 1997 révèle par exemple que seulement sept bibliothécaires y participaient. Or, il y avait plus de 2000 autres participants. Parmi les sept, six provenaient d'universités ou de sociétés savantes, l'un était spécialiste des réseaux à la Bibliothèque nationale du Canada qui était le pays d'accueil de la conférence. Il y avait plus de cent ateliers couvrant un large champ de sujets, mais le mot «bibliothèque » lui-même a été mentionné seulement une fois à l'intérieur de l'expression « bibliothèque virtuelle », soit une fois parmi les 97 rapports mis sur le site Internet à l'issue de la conférence.
Comme la révolution de l'information et l'économie de l'information supposent de mettre l'accent sur les technologies, la Révolution du savoir met plus l'accent sur les aspects humains de la fourniture du savoir. De ce fait, cela représente plus une chance qu'une menace pour les bibliothèques publiques car les bibliothèques sont en fin de compte des institutions ayant vocation à servir les populations. Les caractéristiques suivantes des bibliothèques publiques devraient rester des avantages à l'ère de l'information :
- la bibliothèque publique est le principal guichet qui touche une large frange des utilisateurs du savoir, de sorte qu'elle comprend »l'ensemble du marché » ;
- l'expérience en catalogage, indexation et classification des documents est en fait la base de l'organisation du savoir dans un sens plus large ;
- l'espace physique des bibliothèques publiques, jugé dépassé par les commentateurs d'avant-garde, est suceptible de constituer le lieu naturel pour rassembler la population;
- les bibliothèques publiques sont les seules à diffuser l'information et le savoir tout au long de la vie aux populations privées d'accès aux infrastructures d'information.
3.2 Bibliothèque : lien fondamental avec l'infrastructure du savoir national
La bibliothèque devrait, de par son essence, être une partie essentielle de l'infrastructure du savoir. Dans un sens, la gestion de l'information est simplement un autre nom pour la bibliothéconomie [9]; Comme cela a été évoqué dans une déclaration prospective de la Bibliothèque du Congrès aux Etats-Unis, « La bibliothèque est dans une position singulière pour être à la fois un catalyseur et un participant, dans le processus intellectuel de transformation de l'information en savoir et de savoir en sagesse » [10]. Le Manifeste des bibliothèques publiques de l'UNESCO a mentionné la bibliothèque publique comme « la porte d'entrée locale au savoir » [11].
Mais conserver la tradition est loin d'être suffisant pour que les bibliothèques se maintiennent au rythme de la révolution du savoir à l'heure des nouvelles technologies. Quelques bibliothécaires, majoritairement issus de bibliothèques universitaires ou spécialisées, se sont très tôt adaptées au changement. Quelques « Centres de ressources » ont été instaurés ou restructurés à l'intérieur des bibliothèques universitaires. Ces centres se distinguent des bibliothèques ordinaires non seulement par leur intittulé mais aussi par leurs fonctions. Les centres de ressources utilisent pleinement l'informatique et les technologies de la communication et se repositionnent eux-même comme des lieux d'apprentissage. Par exemple, l'Université de Californie à San Franscisco qui a créée un centre de ressources en collaboration avec sa bibliothèque [12]. De même, Mitchelle C. Brown propose des « Bases du savoir » - des bases de données qui comprennent les documents contenus dans les bibliothèques [13]. Une série de publication sur le nouveau rôle des bibliothécaires mentionne aussi ces tendances, les uns appelant de leurs vœux une stratégie du savoir au niveau national [14], les autres explorant la fonction des bibliothécaires en tant que ingénieur de l'information [15,16].
La bibliothèque a été conçue comme un centre de logiciels pour les affaires [17), ce qui est en quelque sorte un rôle de second plan. Avec le concept d'infrastructure nationale du savoir, le rôle de la bibliothèque en faveur du développement économique et social ne peut qu'être accru. Dans les pays en voie de développement, la bibliothèque ne sera pas toujours un trou noir qui dévore les fonds publics mais est susceptible de contribuer de manière plus explicite à l'économie, ce qui peut être même essentiel, sinon plus, à l'ère de l'information comme ce fut dans le passé.
3.3 La bibliothèque publique : vers un serveur du savoir
Je préférerais utiliser le mot serveur au lieu de pivot pour décrire la fonction de la bibliothèque dans l'infrastructure du savoir. Ce pivot est juste un lieu de communication, le mot serveur serait plus adapté. En tant que serveur, la bibliothèque est le point de convergence des connaisances dans une société, elle les valorise, produit de nouvelles connaissances et les diffuse à la demande.
3.3.1 Relier le savoir à la population
Avec l'apparition d'infrastructure de l'information, une médiation entre la machine et l'homme (i), le savoir codifié et tacite (ii), la culture et l'économie (iii), le savoir et les usagers (iv) et les pays développés et en voie de développement sont plus que jamais nécessaires. Les bibliothèques publiques ont été considérées comme des points d'accès du public aux autoroutes de l'information [18], mais à la différence des fournisseurs de services internet qui donnent aussi accès à l'information, les bibliothèques publiques peuvent agir comme des relais non-connectés, en déchargeant et en envoyant des informations disponibles sur le réseau et des connaissances à ceux qui ne disposent pas d'accès au réseau ou en attirant la population vers des bibliothèques de proximité qui ont accès à Internet. Les bâtiments des bibliothèques peuvent être des endroits où rassembler les personnes éduquées pour qu'elles communiquent et créent, traduisent le savoir tacite en savoir codifié.
3.3.2 Organiser le savoir
La littérature grise, les documents électroniques et les ressources sur Internet sont en train de transformer le travail de catalogage et d'indexation en concept d'organisation du savoir. Cette nouvelle ère peut aboutir à faire place à une organisation du savoir plus élaborée, par exemple, la création de « collections sur le web ». Tandis que le catalogage des ressources internet est d'ores et déjà à l'ordre du jour [19], la collection de bibliothèque sur le web peut aller encore plus loin : par une sélection des informations disponibles sur le réseau et réorganisées par les bibliothèques - qui devraient être les plus aptes à remplir cette tâche en répondant aux besoins de leurs usagers - ceux qui fréquentent régulièrement le serveur de la bibliothèque. Le fait que la collection soit sur le site local peut être tout à fait significatif pour les pays en voie de développement, où les infrastructures de télécommunication constituent toujours un goulot d'étranglement, le temps d'attente étant souvent trop long pour l'utilisateur. La collection sur le web conserve aussi de manière permanente sur le serveur de la bibliothèque les ressources internet qui ont fait l'objet d'une sélection, qui sont susceptibles d'être utiles pour des utilisateurs à venir, et qui, comme nous le savons, ont une durée de vie courte d'ordinaire.
3.3.3 Mettre en cohérence l'information
Mettre en cohérence l'information peut être considérée comme un rôle d'interface également. C'est important pour les pays en voie de développement de rendre l'information plus utilisable. Le concept n'est pas nouveau [20], mais l'est probablement pour les bibliothèques publiques. Notre expérience nous prouve que si la bibliothèque publique joue à terme un rôle plus direct dans le développement local, elle ne peut plus se contenter d'un pur traitement technique de la documentation. D'autres manipulations plus raffinées sont certainement nécessaires. Dans beaucoup de cas, les utilisateurs demandent une réponse à des questions spécifiques qui vont au-delà des prestations founies par les services de références ordinaires. Il y a depuis longtemps un débat sur la question de savoir jusqu'où les bibliothécaires devraient aller pour collecter, compiler et synthétiser l'information en vue de répondre à ces besoins spécifiques. Ce n'est pas seulement un problème d gratuité ou non mais aussi une question relative aux limites des services offerts par les bibliothèques. Dans l'économie du savoir, la ligne de démarcation entre la bibliothèque et les autres services d'information est probablement plus ambiguë. D'un autre côté, les réseaux et la numérisation de l'information vont réduire le coût de la mise en cohérence de l'information de manière importante, des procédures de partage des coûts peuvent être mis en place plus facilement.
3.3.4 Mettre en réseau le savoir global
Le caractère local de la bibliothèque publique constitue à la fois sa force et sa faiblesse. Avec la nouvelle mise en réseau de la communauté des bibliothèques et d'autres serveurs d'information, les bibliothèques locales peuvent devenir globales. La mise en réseau du savoir n'est pas seulement un problème lié à Internet mais celui de la collaboration internationale des institutions du savoir. Des propositions de coopération internationale ont été formulées : par exemple, sur la coopération trans-culturelle relative à l'échange des savoirs [21], et sur les décideurs dans les pays en voie de développement [22]. Compte tenu des relations entretenues à travers le prêt entre bibliothèque, il n'est pas difficile pour la communauté des bibliothèques de collaborer à la mise en réseau du savoir.
Il n'y a pas seulement les scientifiques et les décisionnaires gouvernementaux qui ont besoin de l'information, même à l'étranger, mais aussi Monsieur Tout-le-monde. On raconte une histoire en Chine sur une jeune fermière qui souffrait d'une étrange maladie. Elle a été guérie finalement grâce à l'aide d'une liste de diffusion sur Internet à travers laquelle des dizaines de médecins du monde entier ont fait part de leurs connaissances et recommandations sur cette maladie, connue depuis peu dans un seul pays. Chaque fois que je parle de cette histoire lors de conférences et de rencontres, on me demande comment faire. En ce cas, la maladie était si rare et grave qu'il valait la peine d'en faire la publicité dans de nouveaux médias et l'aide est venue de la part de professionnels de l'information qui exercaient dans un institut de recherche médical. Naturellement, la plupart des chercheurs d'information ne seront pas aussi chanceux, ce cas et ces demandeurs me laissent à penser que la bibliothèque publique locale devrait et peut être le catalyseur dans une mise en réseau du savoir global.
4. Les bibliothèques publiques dans la révolution du savoir : les cas de la Chine
Même si le terme « savoir fondé sur l'économie » devient de plus en plus populaire parmi les sociétés savantes en Chine en raison de la publication de la version chinoise du rapport de l'OCDE mentionné supra, les industries du savoir chinoises en général et la communauté des bibliothèques en particulier sont susceptibles de ne pas être averties de tout ce qui advient du fait de la révolution du savoir dans le reste du monde. Mais, indépendamment, on peut remarquer un développement parallèle provenant d'une tendance propre à la Chine.
La Chine est une économie avec une structure duale. Quelques provinces industrialisées et des villes sur le littoral rattrapent rapidement les pays développés pendant que sévissent encore dans beaucoup d'autres régions la pauvreté et l'illétrisme. Les deux zones rencontrent cependant le même dilemme concernant l'information et le savoir. Le récit suivant explique ce que le réseau de lecture public a réalisé en Chine et est en train de préparer en tant que partie intégrante de l'infrastructure du savoir de ce pays et comment la coopération de la communauté des bibliothèques peut aider à ce processus.
4.1 Le projet du savoir : disséminer l'information et le savoir aux personnes démunies
Le Projet du savoir en Chine a été lancé comme une campagne de promotion d'une bibliothèque ordinaire, juste comme les programmes similaires qui ont eu lieu dans d'autres pays tels que l'Afrique du Sud [23]. Il a été proposé pour la première fois en 1994 par une bibliothèque provinciale de la région autonome du Guangxi Zhuang (une province de facto). Cette province est l'une des moins développées de Chine. Les bibliothèques publiques de cette province souffrent d'un sérieux manque de financement. Cette situation est à mettre sur le compte des difficultés du développement économique mais des facteurs à long terme jouent également.
Le projet a été ainsi proposé par la bibliothèque de cette province et a été subventionné par les gouvernements locaux afin d'introduire le flux du savoir dans le système de la bibliothèque. Des mesures spécifiques ont été prises incluant la mise en place d'un comité de pilotage. On a organisé la lecture d'ouvrages et des activités culturelles du même type. Une société locale a sponsorisé la bibliothèque en accordant un don de 5000 RMB (soit environ 600 dollars américains). Des recherches de financement ont eu lieu auprès de donateurs locaux et d'outre-mer [24].
Après trois ans de mise en œuvre, le projet rencontre quelques résultats positifs. Plus de 500 000 RMB yan et 1.5 million d'exemplaires d'ouvrages ont été offerts au réseau de lecture public de cette province. Grâce à la politique de parrainage, 115 bibliothèques municipales en zones urbaine et rurale ont été construites [25]. Ce projet a été élargie à l'ensemble de la Chine au début de l'année 1997. Plusieurs ministères d'Etat font partie du comité de pilotage du projet national. Le projet de savoir au niveau national a pour objectif d'impulser un progrès culturel national et social en encourageant la lecture de livres et la diffusion du savoir à travers le réseau de lecture public.
Le projet du savoir de Guangxi est complètement dû à l'initiative locale . La particularité de ce projet est qu'il vise à fournir des informations et du savoir à ceux qui en sont privés autrement. C'est un immense défi qui en fait peut être considérée comme une étape positive dans la marche vers la Révolution du savoir. Mais le projet de la province de Guangxi révèle aussi des problèmes difficiles qui ne sont pas encore résolus.
Tout d'abord, le cercle vicieux engendré par le manque d'information est difficile à briser. La bibliothèque a-t-elle les moyens toute seule de changer les mauvais résultats des entreprises locales en quelques années ? Des sociétés ne sont pas sûres de pouvoir poursuivre le parrainage. En second, le projet du savoir dans sa version initiale rencontrait un frein clair en raison des difficultés pour comprendre et traduire l'information moderne et les technologies de la communication à des situations concrètes. Cette ignorance des technologies de l'information provient non seulement d'un progrès lent mais aussi de l'absence d'information à jour qui peuvent être d'une importance capitale pour l'économie locale et qui pourraient renforcer les progrès. Jusqu'à récemment, le projet du savoir n'a pas su tirer suffisamment partie de l'avantage que procure Internet. Maintenant, la bibliothèque de la province, en même temps que dix villes et bibliothèques publiques de comtés créent un maillage du réseau et récupèrent les informations sur les autoroutes de l'information à travers le CERNET ( le Réseau d'éducation et de recherche chinois). dont le centre est à l'université de Guangxi. Avant d'aller plus loin dans le débat sur la nécessité de progresser, examinons un autre cas.
4.2 Réorganiser la bibliothèque de Shanghai
La relative prospérité de Shangai donne de cette ville un tout autre visage de la Chine. Le PIB par habitant de cette ville en 1997 est au-dessus de 30 000 dollars américains. Une étude récente a montré que dans trois des plus grosses villes de Chine, dont fait partie Shangai, 33 pour cent de la population utilisent des ordinateurs, soit à son bureau ou à son domicile. Un quart de ces utilisateurs, soit plus de 8 % de la population, peut être connecté à Internet à travers différents moyens [26]. A la fin de l'année 1996, la bibliothèque de Shangai a déménagé dans ses nouveaux locaux, qui ont coûté approximativement 7 500 000 dollars américains. Selon les indicateurs statistiques habituels, tels que la richesse du fonds et l'étendue des locaux, la nouvelle bibliothèque de Shanghai se situe en seconde position en Chine, juste derrière la Bibliothèque nationale à Beijing. Avec un contexte technologique comparativement très avancé, la bibliothèque de Shanghai néanmoins doit faire face à différents défis.
Lorsque de plus en plus d'informations sont numérisées, pourraient être traitées par des machines et toucher les utilisateurs sans l'intermédiaire des bibliothèques, lorsqu'un système d'information avancé intitulé « info-port » est en cours de construction, lorsque les fournisseurs de logiciel pour Internet sont en train de remplacer certaines des fonctions remplies par les bibliothèques, les bibliothècaires doivent se poser la question suivante : quelle est notre niche dans le marché concurrentiel du savoir. Des décideurs ont noté qu'il existe un besoin pressant pour que les bibliothèques soient réhabilitées et actualisées comme des centres de ressources plutôt que comme des musées à livres équipés avec des ordinateurs [27]. Derrière son magnifique édifice et son système de gestion intégré utilisant un réseau local dernier cri, il faut repenser profondément comment la bibliothèque doit se positionner à l'aube du nouveau millénaire. De ce fait, une série d'innovations ont été mises en œuvre, certaines d'entre elles pouvant être considérées comme radicales et peu orthodoxes par les théoriciens traditionnels des bibliothèques :
- des unités de recherche filialisées ont été instaurées pour mettre en commun des recherches à la fois en interne et avec des consultants extérieurs ;
- on a mis en place un centre d'apprentissage pour enseigner aux professionnels de l'information et aux utlisateurs comment maîtriser ces outils ;
- on a organisé des activités culturelles et universitaires variées pour faciliter le brainstrorming;
- on a largement informé la société dans son ensemble en faisant connaître les nouvelles évolutions qui ont lieu à travers le monde ;
- on a bâti un système pour favoriser la passation des lois au Congrès du peuple et l'établissement de politiques au niveau des gouvernements locaux.
Le but de tous ces efforts est de contribuer plus directement à l'économie locale et au progrès social. De plus, ces efforts visent à montrer l'intérêt que représentent les bibliothèques pour la société en même temps qu'il convient de conserver la gratuité des services de base aux usagers.
4.3 La nécessité d'une coopération de la communauté des bibliothèques et d'autres institutions du savoir
Le Projet du savoir et l'exemple de la bibliothèque de Shanghai se passent dans le même pays mais tout le monde n'est peut être par conscient des évènements importants et pertinents et des idées de chaque côté. Même si la bibliothèque de Shanghai, comme d'autres bibliothèques situées comparativement dans des régions riches de la Chine, font des dons de livres de temps en temps aux bibliothèques des régions plus pauvres, les résultats seront meilleurs si ces bibliothèques sont perçues comme des partenaires dans la mise en réseau du savoir. La bibliothèque de Shanghai , par exemple, est peut être susceptible d'aider des bibliothèques publiques du Guangxi à exploiter les ressources Internet. Il est possible que, au détriment du transport de dons d'ouvrages, les bibliothèques en retireront de plus grands fruits. D'un autre côté, la restructuration de la bibliothèque de Shanghai, aurait pu gagner en dynamisme si nous avions connu plus tôt les actions menées par la Banque mondiale et les méthodologie de la mise en cohérence. Il y a une large place pour que collaborent les bibliothèques et les autres institutions à travers le monde. Dans la plupart des situations, ce n'est pas la bibliothèque mais des organisations professionnelles et d'autres institutions du savoir qui représentent la source de l'information et du savoir, comme dans l'histoire de cette jeune fermière mentionnés plus haut. Mais la bibliothèque peut aider les utilisateurs finaux à trouver et atteindre ces gisements d'information, si bien que la collaboration de toutes les institutions du savoir sont si importantes.
5. Les bibliothèques et la révolution du savoir : conclusions
La Révolution du savoir fournit une occasion pour la communauté des bibliothèques, particulièrement les bibliothèques publiques de recourrir et même d'étendre son rôle essentiel dans l'infrastructure du savoir national :
- Dans les dernières années, grâce à la disponibilité toujours plus grande des technologies qui permettent la transmission, la distribution et la transformation d'informations codées facilement et à bon marché, le troisième millénaire verra le savoir devenir vital et le savoir tacite constituera un goulot d'étranglement.
- 2. L'attention que porte la communauté internationale à la Révolution du savoir est à la fois nécessaire et opportune. Il est urgent que la communauté des bibliothèques comprennent la chance qui lui ait donné par le changement de paradigme. Les bibliothèques ne doivent pas être des observateurs passifs mais prendre une part active à cette révolution.
- Les expériences qui ont lieu en Chine représentent des études de cas qui montrent que les bibliothèques publiques peuvent jouer un rôle majeur dans la chaîne de la transmission des connaissances. Comme le monde se tourne vers l'âge de l'information, les bibliothèques peuvent contribuer au développement économique et social à la fois dans les pays sous développés et comparativement dans les zones riches. L'exemple chinois nous enseigne que les efforts actuels sont insuffisants et continueront de l'être tant que l'utilisation massive des télécommunications disponibles et des infrastrucures en réseau n'auront pas lieu. Les leçons que l'on peut tirer de ces exemples montrent également que la coopération entre la communauté des bibliothèques et les autres institutions du savoir peuvent grandement améliorer les efforts actuels.
- La collaboration globale des bibliothèques peut représenter une contribution énorme à l'élargissement et à l'amélioration de la mise en réseau du savoir. Les bibliothèques publiques, dotées de leur expérience des relations avec la population dans son ensemble, peuvent jouer un rôle unique de communication de l'actualité et du savoir à ceux qui ne disposent pas de terminaux. L'IFLA, en tant que représentant de la communauté internationale des bibliothèques, doit prendre en charge la responsabilité de sensibiliser et d'organiser les bibliothécaires à travers le monde, particulièrement ceux des pays en voie de développement, pour qu'ils participent de manière active à la Révolution du savoir global.
References
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