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   64th IFLA General Conference
   August 16 - August 21, 1998

 


Code Number: 099-69-F
Division Number: 0
Professional Group: UNESCO Open Forum
Joint Meeting with: -
Meeting Number: 69.
Simultaneous Interpretation:   Yes

Mémoire du Monde
Préserver Notre Patrimoine Documentaire

Abdelaziz ABID
Division de l'information et de l'informatique
UNESCO
Paris, France


Abstract

Cet article esquisse les grandes lignes du programme "Mémoire du monde", lancé par l'UNESCO pour préserver le patrimoine documentaire en péril, en démocratiser l'accès, faire mieux prendre conscience de sa valeur et diffuser à grande échelle les produits qui en sont dérivés. Les critères retenus pour l'inscription de patrimoines documentaires au registre "Mémoire du monde" et pour la sélection des projets sont énumérés et les cadres technique, juridique et financier du programme sont brièvement évoqués.

Plusieurs projets pilotes sont succinctement présentés. Il s'agit de programmes de numérisation et d'une série de CD-ROM portant sur un choix de manuscrits de la Bibliothèque nationale de Prague, la Chronique Radziwill de Saint-Pétersbourg, un corpus de textes évoquant la figure emblématique de sainte Sophie, patronne de la capitale bulgare, un ensemble de manuscrits yéménites, notamment des fragments coraniques se trouvant à Sana'a, des manuscrits astronomiques de l'Observatoire de Kandilli (Istanbul), une sélection de manuscrits de la Bibliothèque nationale du Caire, et une autre de la Bibliothèque de l'Université de Vilnius portant respectivement sur la science médiévale arabe et européenne, trois mille cartes postales africaines de l'époque coloniale, une sélection de plusieurs milliers de photographies du XIXème siècle illustrant les grandes étapes de l'histoire de quelque dix pays d'Amérique latine et Caraïbes, un inventaire de journaux ibéro-américains du XIXe siècle et leur état de conservation et un projet ambitieux intitulé "Mémoire de la Russie".


Paper

La mémoire est partie intégrante de l'existence : cela est vrai des individus comme des peuples. Le patrimoine documentaire déposé dans les bibliothèques et les archives représente une part essentielle de la mémoire collective et reflète la diversité des langues, des peuples et des cultures. Mais cette mémoire est fragile.

Une part non négligeable du patrimoine documentaire mondial disparaît de manière "naturelle" : papier acidifié qui tombe en poussière, cuirs, parchemins, pellicules et bandes magnétiques agressés par la lumière, la chaleur, l'humidité ou la poussière. Le cinéma, par exemple, risque de perdre la plus grande partie des oeuvres qui en ont fait l'art du siècle. Des milliers de kilomètres de pellicule risquent de s'effacer si leur restauration et leur préservation ne sont pas entreprises dans les plus brefs délais. En France et au Mexique, par exemple, le feu a détruit nombre de films sur pellicule nitrate.

A ces causes insidieuses de détérioration viennent s'ajouter les accidents qui ponctuent la vie des bibliothèques et archives. Inondations, incendies, ouragans, tempêtes, tremblements de terre..., la liste est longue des catastrophes contre lesquelles il est difficile de se protéger, sinon en adoptant des mesures préventives. On pense, à cet égard, au séisme qui provoqua de si graves dégâts au Japon en 1923, détruisant notamment 700.000 volumes de la bibliothèque universitaire impériale de Tokyo, parmi lesquels les archives de la dynastie shogounale des Tokugawa, ainsi que de nombreux manuscrits et ouvrages anciens. Le monde entier s'est ému lorsqu'en Italie l'Arno a débordé en 1966, envahissant les sous-sols des bibliothèques de Florence, endommageant plus de deux millions d'ouvrages, dont la restauration se poursuit encore à ce jour.

Nous sommes malheureusement impuissants face aux forces destructrices de la nature - nul ne peut en effet arrêter un séisme ou une inondation - mais il est surtout navrant de penser que les plus lourdes pertes sont généralement le fait des hommes, qu'elles soient dues à la négligence ou à la volonté de détruire. La liste des bibliothèques et archives détruites ou fortement endommagées par faits de guerre, bombardements et incendies, volontaires ou non, serait longue à établir. La Bibliothèque d'Alexandrie est sans doute l'exemple historique le plus célèbre, mais combien d'autres trésors connus et inconnus n'ont-ils pas disparu en Chine, à Constantinople, à Varsovie et, plus récemment, au Cambodge, à Bucarest, à Saint-Pétersbourg et à Sarajevo ? Il en est bien d'autres, et la liste n'est malheureusement pas close, sans parler des fonds dispersés du fait de déplacements accidentels ou délibérés d'archives et de bibliothèques.

PRÉSERVATION ET ACCÈS

L'UNESCO, reconnaissant la nécessité d'agir d'urgence pour éviter que la mémoire documentaire du monde continue de se détériorer, a lancé en 1992 le programme "Mémoire du monde", dont le but est de sauvegarder et de promouvoir ce patrimoine. Le programme s'est assigné quatre objectifs, qui sont complémentaires et d'importance égale :

En premier lieu, le programme vise à assurer, par les moyens les mieux adaptés, la préservation du patrimoine documentaire d'intérêt universel et à encourager celle du patrimoine documentaire d'intérêt national et régional. Il vise en même temps à rendre ce patrimoine accessible au plus grand nombre possible, en faisant appel aux technologies les plus appropriées, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des pays où il se trouve physiquement. La préservation du patrimoine documentaire et l'élargissement de l'accès à celui-ci se complètent. L'accès facilite la protection et la préservation rend possible l'accès. Par exemple, les documents numérisés sont accessibles au grand nombre et la demande de consultation peut stimuler le travail de préservation.

Le programme se propose également de faire prendre davantage conscience aux Etats membres de l'UNESCO de leur patrimoine documentaire et, en particulier, de ceux de ses aspects qui ont un intérêt du point de vue de la mémoire collective mondiale. Le programme doit sensibiliser le public et les gouvernements à la nécessité de sauvegarder leur patrimoine documentaire, mobiliser les énergies, soutenir les efforts des organisations professionnelles, nationales, régionales et internationales et catalyser les initiatives. Il faut savoir, cependant, que cette publicité se traduit le plus souvent par une demande plus pressante et une utilisation plus intensive des documents. Plus on réussit à capter l'attention du public, plus la demande d'accès aux documents augmente.

Enfin, le programme tend à élaborer des produits à partir de ce patrimoine documentaire et à leur assurer une large diffusion, tout en veillant à ce que les originaux bénéficient des meilleures conditions possibles de conservation et de sécurité. Des banques de textes, de sons et d'images de grande qualité pourraient être constituées et connectées aux réseaux locaux et mondiaux, tandis que des reproductions seraient réalisées sur toutes sortes de supports, tels que disques compacts, albums, livres, cartes postales, microfilms et autres. Les recettes résultant de la vente des produits dérivés seraient alors réinvesties dans le programme.

PORTÉE ET STRUCTURE DU PROGRAMME

Le programme est donc d'envergure et fait intervenir des partenaires divers, depuis les étudiants, les universitaires et le grand public jusqu'aux propriétaires, fournisseurs et producteurs d'information et fabricants de produits finis. Un Comité consultatif international du programme "Mémoire du monde", dont les membres sont désignés par le Directeur général de l'UNESCO, guide la conception et la mise en oeuvre du programme dans son ensemble et formule des recommandations concernant la mobilisation des fonds, l'attribution des crédits et l'octroi du label "Mémoire du monde" aux projets retenus, y compris ceux qui ne bénéficient pas de l'aide financière du programme. Les statuts de ce comité, qui ont été approuvés par le Conseil exécutif de l'UNESCO en mai 1996, prévoient en particulier une étroite coopération avec des ONG comme l'IFLA et le CIA et insistent sur la nécessité de faciliter l'accès au patrimoine documentaire en péril au plus grand nombre en recourant aux technologies les plus récentes.

Le Comité consultatif se compose de 14 membres nommés à titre personnel par le Directeur général de l'UNESCO. Il se réunit normalement en session plénière une fois tous les deux ans. Le Bureau, composé du président, de trois vice-présidents et du rapporteur se réunit dans l'intervalle des sessions du Comité à la demande du Directeur général. Le Comité s'est réuni à trois reprises : à Pultusk (Pologne) en septembre 1993 ,à Paris (France) en mai 1995 et à Tachkent (Ouzbékistan) en septembre 1997. Il a recommandé, lors de sa première réunion, que la notion de patrimoine documentaire soit élargie pour inclure, outre les manuscrits et les archives historiques, les documents sur tous supports, en particulier les documents audiovisuels, les enregistrements informatiques et les traditions orales, dont l'importance varie selon les régions. Dans tous ces domaines, la protection s'impose, parfois de façon urgente, si l'on veut éviter l'amnésie collective et renforcer les échanges culturels mondiaux.

Au niveau national, il est recommandé qu'un comité soit chargé, en premier lieu, de l'identification des éléments les plus significatifs du patrimoine documentaire, de la sélection des projets selon les critères retenus et de leur soumission au Comité consultatif international et, par la suite, de leur suivi. Ce comité devrait être composé d'experts en état de contribuer activement à la réalisation des projets et de représentants des utilisateurs. Les auteurs de projets devront s'assurer que les droits des propriétaires des fonds ou des collections sont protégés. En outre, chaque projet constituera son comité scientifique propre, composé de spécialistes qui définiront les contours du projet et qui en superviseront l'organisation. Des comités nationaux "Mémoire du monde" existent à ce jour dans 27 pays (Albanie, Autriche, Bélarus, Bulgarie, Canada, Cap-Vert, Chine, Colombie, Croatie, Cuba, Fédération de Russie, Finlande, Hongrie, Lituanie, Malawi, Maurice, Mauritanie, Népal, Pakistan, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Suède, Tanzanie, Thaïlande, Venezuela et Zaïre) et d'autres pays envisagent d'en créer un. La Jordanie et la Syrie ont indiqué que des organismes nationaux existants faisaient d'ores et déjà office de comités nationaux.

Enfin, chaque fois que le besoin s'en fera sentir, un comité régional sera chargé de la sélection des projets à caractère régional, en tenant compte des particularités des régions, en vue de leur soumission au Comité international.

On citera, à titre d'exemple de suite efficace donnée au lancement du programme, la réunion d'experts organisée à Kuala Lumpur en 1994, avec pour tâches de définir la composante asiatique du programme "Mémoire du monde". Des participants venus de 20 pays se sont penchés sur les problèmes que connaissent les conservateurs de documents appartenant au patrimoine national et que mettent en péril, le plus souvent, la négligence, des conditions matérielles et climatiques défavorables, l'instabilité politique, etc..

Les participants ont décidé de prendre des mesures pour que les Etats membres créent, aux niveaux national et régional, un mécanisme chargé de recenser les projets susceptibles de bénéficier du label "Mémoire du monde", d'inventorier les éléments du patrimoine documentaire des pays considérés, d'établir un programme de préservation et de conservation de ces documents et de mettre au point des stratégies de promotion et de commercialisation pour dégager des revenus et financer ainsi le programme. Lors de cette réunion, priorité a été donnée à la conservation des manuscrits tibétains et aux collections sur feuilles de palmes dans différents pays.

Des conclusions similaires ont été tirées lors d'une réunion sous-régionale sur le programme "Mémoire du monde" qui s'est tenue à Budapest les 9 et 10 mars 1995. Y participaient les représentants des pays suivants : Autriche, Croatie, Hongrie, République tchèque, Roumanie et Slovaquie. Si la numérisation contribue puissamment à faciliter l'accès et aide par là à préserver les originaux, elle a, comme l'ont souligné les participants, ses limites, et ne saurait se substituer au travail classique de préservation. Au cours de la réunion, un projet sous-régional de coopération a été mis au point. Ce projet devrait permettre aux organismes participants de tester les techniques et le matériel de numérisation et d'étudier les aspects financiers et juridiques de ce procédé, ainsi que l'intérêt qu'il offre pour la diffusion. Un cours de formation a été organisé dans ce but à la Bibliothèque nationale de Prague en novembre 1996.

Une Consultation régionale sur la conservation, la sauvegarde et la promotion du patrimoine documentaire d'Asie centrale s'est tenue à Tachkent en septembre 1997 à l'occasion de la troisième réunion du Comité consultatif international. Des représentants des cinq pays d'Asie centrale - Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan and Turkménistan - ont souhaité renforcer les liens de coopération qui les unissent et participer activement au programme 'Mémoire du monde'. Un projet régional appelé 'Mémoire d'Asie centrale' a été esquissé dans ce contexte.

La première Conférence internationale sur la "Mémoire du monde" s'est tenue à Oslo du 3 au 5 juin 1996. Quelque 150 délégués de 65 pays ont pris part à cette Conférence, qui a souligné le besoin d'élaborer des plans, tant à l'échelle nationale que régionale, pour la sauvegarde du patrimoine documentaire et un accès plus aisé. La Conférence a adopté une résolution invitant tous les pays à mettre en place des comités nationaux "Mémoire du monde" et à participer activement au Programme. Les actes de cette conférence sont diffusés par l'UNESCO et sont disponibles sur son site Web.

REGISTRE DE LA "MEMOIRE DU MONDE"

Le Comité consultatif international a recommandé, lors de sa réunion à Paris, l'établissement d'un registre "Mémoire du monde". Ce registre, comparable à certains égards à la Liste UNESCO du patrimoine mondial, recensera le patrimoine documentaire reconnu par le Comité comme présentant un intérêt universel. Mais l'inscription dans le registre et l'attribution du label "Mémoire du monde" n'auront d'incidences ni juridiques ni financières. Compendium de documents, de manuscrits, de traditions orales, de matériels audiovisuels, de fonds de bibliothèques et d'archives de valeur universelle, le registre de la "Mémoire de monde" sera un document important en lui-même, en même temps qu'un modèle dont pourront s'inspirer les pays et les régions pour identifier, recenser et préserver leur patrimoine documentaire. Chaque pays est encouragé à constituer, parallèlement au registre de la "Mémoire du monde", son propre registre pour faire reconnaître les trésors du patrimoine documentaire national ainsi que la nécessité d'assurer la sauvegarde de ceux qui sont en péril. Des groupes de pays, comme par exemple les pays scandinaves ou les pays baltes, auront la possibilité d'établir des registres recensant leur patrimoine documentaire commun.

Un formulaire de demande d'inscription a été adressé à l'ensemble des Etats membres de l'UNESCO et aux associations professionnelles internationales qui ont, à cette occasion, été invités à faire connaître le patrimoine documentaire dont ils souhaitent l'inscription au registre "Mémoire du monde". A Tachkent, le Comité consultatif international a examiné le premier lot de propositions d'inscription émanant de 33 pays. Sur les 71 propositions, 38 provenant de 22 pays ont été retenues en raison de leur intérêt exceptionnel. Pour les autres, le Comité a recommandé l'inscription de 18 éléments sur des registres nationaux et chargé le Bureau d'examiner les 15 dernières propositions à la lumière d'informations complémentaires.

CRITÈRES DE SÉLECTION

Chaque registre - mondial, régional ou national - doit être établi en fonction de critères clairement définis d'évaluation de la valeur culturelle du patrimoine documentaire. Le patrimoine documentaire présente un intérêt mondial s'il a eu sur l'histoire du monde une influence majeure transcendant les frontières d'une culture nationale; s'il constitue un témoignage exceptionnel sur une période qui a changé le cours des affaires du monde ou un apport notoire à notre compréhension du monde à un moment particulièrement important de l'histoire ; s'il apporte un éclairage important sur un lieu ayant marqué de façon capitale le cours de l'histoire ou l'évolution de la culture mondiales ; s'il il est associé de façon spéciale à la vie ou à l'oeuvre d'une personne ou d'un groupe ayant contribué de façon remarquable à l'histoire ou à la culture mondiales ; s'il fournit des informations particulièrement précieuses sur un sujet important ou un thème majeur de l'histoire ou de la culture mondiales ; s'il constitue un important exemple d'une forme ou d'un style remarquable ; s'il a une valeur culturelle et sociale ou spirituelle exceptionnelle qui transcende une culture nationale.

Outre ces sept critères principaux, il convient de tenir compte de deux critères supplémentaires, qui peuvent renforcer l'intérêt mondial du patrimoine documentaire mais ne sont pas suffisants en soi pour l'établir : un haut degré d'intégrité ou d'exhaustivité peut conférer à un patrimoine documentaire un intérêt accru, ainsi que le fait d'être unique ou rare.

L'inscription d'un patrimoine documentaire sur le registre mondial peut se faire sur la base d'un seul critère, mais l'évaluation a davantage de chances d'être effectuée en fonction de plusieurs critères. Les critères seront testés par le Comité consultatif international et des facteurs de pondération seront mis au point pour en refléter l'importance relative. A Tachkent, la question de pondérer les critères en fonction de différents types de documents a été soulevée. C'est ainsi par exemple que les archives réunies par un chef politique durant sa carrière devraient être évaluées plus rigoureusement selon le critère 1- Influence que d'autres types de documents. En revanche, l'évaluation de films documentaires devrait se baser essentiellement sur le critère 5- Sujet ou thème alors que les films d'art et d'essai devraient être appréciés surtout en fonction du critère 6- Forme ou style. Dans certains cas, le Comité demandera l'avis d'experts et s'adressera aux ONG compétentes. Afin d'examiner les divers aspects des critères de sélection et leur mise en application dans des contextes différents, trois groupes de travail ont été mis en place.

Les critères applicables au patrimoine documentaire à inscrire sur les registres nationaux ou régionaux seront fixés par les comités nationaux ou régionaux compétents. Il est, toutefois, recommandé de prendre pour modèle les critères du registre mondial. Les restrictions à l'accès du patrimoine documentaire n'empêcheront pas automatiquement son inscription à un registre mais réduiront éventuellement la possibilité d'obtenir un soutien en sa faveur par l'intermédiaire du programme "Mémoire du monde".

Les demandes de soutien financier au bénéfice d'un patrimoine documentaire peuvent être présentées par les comités nationaux et régionaux, par les gouvernements, les ONG, le Comité consultatif international ou par d'autres organismes professionnels du pays ou de la région. Le patrimoine documentaire concerné devra, pour pouvoir bénéficier d'un tel soutien, être inscrit au registre mondial et satisfaire à des critères qui seront fixés par le Comité consultatif international. Une certaine priorité sera attribuée aux opérations touchant plusieurs pays, aux projets nationaux à dimension régionale ou internationale et aux projets entrepris en coopération ou en partenariat, sans oublier les minorités et leurs cultures. Une attention particulière sera accordée à la reconstitution de la mémoire des peuples dans le cas des collections et fonds déplacés ou dispersés. Le Comité a recommandé lors de sa réunion à Tachkent l'octroi pour la première fois du label 'Mémoire du monde' à cinq projets.

PROJETS PILOTES

Plusieurs projets à caractère pilote et démonstratif ont été menés dans le cadre du Programme. Il ont donné lieu notamment à la production d'un nombre de CD-ROM. Tous ces projets ont été financés au titre du Programme ordinaire de l'UNESCO. D'autres ont reçu des fonds au titre du Programme de participation. Au nombre de ces derniers figurent la sauvegarde des manuscrits d'Antonìn Dvoràk et de Bedrich Smetana, qui se trouvent au Musée de la musique tchèque à Prague ; la fourniture de matériels en Algérie, en Arménie, à Cuba et en Pologne ainsi que l'organisation de cours de formation à Caracas, au Centre pour la conservation du papier de la Bibliothèque nationale du Venezuela et à Prague, au Centre de numérisation de la Bibliothèque nationale de la République tchèque; la reproduction et le rapatriement à Antigua des archives historiques conservées dans des dépôts étrangers ; la publication du "Libro de los Pareceres de la Real Audiencia de Guatemala 1573-1655" ; la reproduction du fichier manuscrit de la langue russe des XIe-XVIIe siècles sur CD-ROM, pour favoriser l'accès à cette collection...

Une trentaine d'autres projets sont à l'étude: entre autres un projet en Albanie, la restauration et la préservation de 7.000 heures d'enregistrements de musique populaire chinoise, la préservation de manuscrits tamouls sur feuilles de palmier en Inde, la préservation du patrimoine filmique vietnamien, la préservation de manuscrits au Laos, la préservation d'une collection musicale juive à Kiev, la sauvegarde des manuscrits des villes anciennes de Mauritanie... Un financement extrabudgétaire pour certains de ces projets est à l'étude. Il s'agit d'un financement norvégien pour la mise en oeuvre d'un projet portant sur les archives de la traite négrière en Afrique et d'un financement de l'Union européenne destiné à la sauvegarde et la valorisation de collections patrimoniales de plusieurs pays méditerranéens; ce projet sera mis en oeuvre par le Centre de la Conservation du Livre à Arles, en France, en coopération étroite avec l'UNESCO.

CADRE TECHNIQUE

Il ressort des exemples évoqués ci-dessus que les deux principes essentiels qui guident le programme sont, d'une part, la préservation des documents, des fonds ou des collections et, d'autre part, la démocratisation de leur accès. Ces deux principes sont indissociables, l'accès favorisant la sauvegarde et la préservation assurant l'accès.

Les phases essentielles de la réalisation de tout projet s'inscrivant dans le cadre du programme "Mémoire du monde" consistent à choisir et à préparer les documents à traiter, à leur assurer un environnement matériel convenable, à effectuer des prises de vues en cas de besoin, à les numériser, à décrire et annoter les documents, le cas échéant à assurer au personnel affecté à ces tâches une formation ponctuelle appropriée, à traduire éventuellement les descriptions bibliographiques, voire les textes eux-mêmes, et à assurer au produit réalisé la plus large diffusion possible.

Deux sous-comités sont constitués : le premier chargé de l'évaluation régulière des technologies utilisables par le programme et le deuxième chargé d'étudier les méthodes de marketing du programme. Le premier a tenu quatre réunions au cours desquelles il a fait l'inventaire des innovations récentes en matière de conservation et de numérisation et élaboré des directives techniques avec un tableau montrant, pour chaque type de support (textes et images fixes d'une part, son et images animées d'autre part), les normes de numérisation recommandées pour l'accès. Il a estimé que la numérisation des documents était la meilleure formule de compromis entre des nécessités conflictuelles - à savoir ouvrir plus largement l'accès aux collections et mieux protéger les documents. Le Sous-Comité a également étudié un projet de recommandation en vue d'utiliser, comme principal outil de présentation des exemplaires numériques des manuscrits et des incunables, ainsi que d'autres types de documents le langage HTML/2.0 (Hypertext Markup Language) afin de leur assurer l'accès le plus large possible. Le marquage HTML permet de consulter les disques en utilisant n'importe quel logiciel de recherche Internet. Il peut également être adapté à d'autres types de documents (enregistrements sonores, photographies, journaux...) et bien entendu à la consultation de documents sur le Web.

Concernant la préservation des originaux, une publication présente une compilation annotée des normes les plus utiles. Elle est disponible sur le site Web sous le titre 'Guide des normes, pratiques recommandées et ouvrages de référence concernant la conservation des documents de toute nature' et porte sur les sections suivantes :

Chaque section comporte une réflexion sur les aspects généraux de la conservation du support en question, dresse la liste des normes pertinentes en signalant les lacunes, propose des principes directeurs pour leur mise en oeuvre et une réflexion sur la conservation dans les pays du tiers monde, tels que les conditions climatiques et financières, les techniques de préservation traditionnelles et les normes minimales. Enfin, pour que l'UNESCO puisse jouer pleinement son rôle de coordinateur et de catalyseur, trois inventaires sont dressés en coopération avec l'IFLA, le Conseil international des archives et d'autres organisations professionnelles compétentes telles que la FID, la FIAF, la FIAT et l'IASA.

  1. Inventaire des collections de bibliothèques et des fonds d'archives ayant subi des destructions irréparables depuis 1900 :
  2. Cet inventaire, publié sous le titre "Mémoire perdue - bibliothèques et archives détruites au XXe siècle" (CII-96/WS/1), tente de recenser les catastrophes majeures qui ont détruit ou irréparablement endommagé des bibliothèques et des archives depuis le début du siècle. Des milliers de bibliothèques et d'archives ont été détruites ou gravement endommagées au cours des combats durant les deux guerres mondiales, notamment en Allemagne, en France, en Italie et en Pologne. La guerre a également provoqué d'incalculables destructions dans des bibliothèques et des archives, plus récemment, dans l'ex-Yougoslavie et dans beaucoup d'autres pays. Préparé par J. van Albada (CIA) et H. van der Hoeven (IFLA), ce document recense le patrimoine documentaire perdu dans plus de 100 pays. Cet inventaire est conçu non pas pour être une sorte de monument funéraire, mais pour alerter l'opinion publique et sensibiliser les milieux spécialisés, ainsi que les autorités locales et nationales à la disparition des trésors que contiennent archives et bibliothèques et pour appeler l'attention sur l'urgente nécessité de sauvegarder le patrimoine documentaire menacé.

  3. Collections de bibliothèques et fonds d'archives en péril :
  4. Une base de données appelée "Mémoire en péril" est constituée à partir des réponses à un questionnaire diffusé depuis 1994. Cette base de données contient actuellement des indications sur les menaces pesant sur 128 collections de bibliothèques et fonds d'archives dont l'inscription sur la liste du patrimoine documentaire en péril est proposée par 59 pays. L'Association internationale d'archives sonores a fait faire, dans le contexte de cette opération, une enquête (menée par George Boston) qui montre que la plupart des supports en péril ne sont pas nécessairement les plus anciens. Dans le domaine des archives sonores, un nombre important de disques et de bandes d'acétate se perdent chaque année. Tous les enregistrements uniques sur acétate qui sont en péril doivent être très vite copiés sur un nouveau support.

  5. Inventaire des actions en cours pour protéger des patrimoines documentaires :
  6. Des patrimoines documentaires ont été perdus par le passé, d'autres le seront à l'avenir. Le but de "Mémoire du monde" est de faire en sorte que les documents importants soient identifiés et sauvés. Les technologies actuelles nous permettent de repérer les patrimoines documentaires importants et d'y accéder. Cet inventaire, établi par Jan Lyall au titre d'un contrat avec l'IFLA, porte sur les principales activités de préservation en cours actuellement. L'information contenue dans ce document (CII-96/WS/7) a été obtenue au moyen d'un questionnaire qui a été largement diffusé en allemand, en anglais, en espagnol, en français et en japonais, par l'intermédiaire du réseau de préservation et de conservation (PAC) de l'IFLA. L'enquête était destinée à recueillir de l'information auprès des bibliothèques qui possèdent des collections présentant un intérêt national, afin de déterminer les problèmes existant dans différentes régions du monde et d'obtenir un instantané des activités actuelles de préservation. Plus de 200 réponses ont été reçues et saisies sur ordinateur. Cette base de données, de même que la précédente, qui utilise CDS/ISIS, sera régulièrement mise à jour. Ces deux listes constitueront, avec le registre "Mémoire du monde", l'assise indispensable du programme.

Par ailleurs, compte tenu de l'influence du cinéma dans le monde, il a été décidé, dans le cadre de la célébration du centenaire, de compiler et de publier, dans le contexte du programme "Mémoire du monde", une liste d'une quinzaine de films considérés par chaque pays comme représentatifs de ses grands chefs-d'oeuvre cinématographiques. Cette liste peut être obtenue gratuitement auprès du PGI sous le titre "Patrimoine filmique national" (CII-95/WS-7).

Enfin, l'UNESCO a publié des directives concernant le cadre technique, juridique et financier du programme et ses structures de travail. Ce texte est distribué gratuitement dans toutes les langues officielles de l'UNESCO sous le titre "Mémoire du monde - Principes directeurs pour la sauvegarde du patrimoine documentaire" (CII-95/WS-11).

CADRE JURIDIQUE ET FINANCIER

Il est essentiel que les droits des propriétaires dont les fonds ou les collections font l'objet d'un projet soient respectés et que les relations entre les propriétaires et les partenaires techniques et commerciaux soient clairement définies, notamment en ce qui concerne la détermination des droits de propriété des images produites et la répartition des bénéfices éventuels réalisés sur la vente des produits fabriqués à partir des images. Mais il paraît aussi évident qu'une protection trop grande qui pourrait limiter l'accès aux documents serait contraire à l'un des principes fondamentaux du programme. Le Comité consultatif international a recommandé, lors de sa deuxième réunion, que l'UNESCO porte une attention minutieuse aux questions juridiques concernant le patrimoine intellectuel dans le contexte nouveau créé par l'emploi croissant de stockage électronique dans les bibliothèques et les archives, afin d'assurer en particulier la liberté d'accès dans les limites fixées par les textes nationaux et internationaux. Un Congrès international sur les aspects éthiques, juridiques et sociétaux de l'information numérique s'est tenue du 10 au 12 mars 1997, à Monaco. Ce Congrès a proposé, entre autres, la création d'une commission internationale sur l'info-éthique, le lancement, sous l'égide de l'UNESCO, d'une initiative interprofessionnelle portant sur l'archivage, la préservation et la conservation de l'information numérique, pouvant éventuellement déboucher sur l'élaboration d'un code d'éthique professionnelle et a souligné l'importance du droit moral des auteurs, dans un contexte de mondialisation des flux d'information numérique. L'objectif de l'UNESCO en la matière est d'élaborer une échelle de valeurs dans le cyber-espace, de renforcer la libre circulation de l'information et de prévenir toute réaction exagérée qui pourrait conduire à une réglementation excessive des réseaux de communication.

S'agissant enfin du cadre financier, un fonds international est actuellement créé au sein de l'UNESCO pour le financement de certains des projets inscrits dans le cadre du programme. Parmi ces derniers, figureront en priorité les projets ayant une dimension régionale, voire internationale. D'autres projets répondant aux critères définis pourraient arborer le label "Mémoire du monde" sans bénéficier nécessairement de l'aide de l'UNESCO ou du fonds. Un compte spécial de l'UNESCO a été ouvert pour "Mémoire du monde" (réf. 406INT61).

Chaque projet "Mémoire du monde" constituera une entité à part entière notamment sur le plan financier. S'il est exclu de faire dépendre l'exécution d'un projet de la réalisation de profits, il reste que chaque projet doit trouver un équilibre financier entre, d'une part, les investissements nécessaires à la numérisation, la reproduction et la diffusion des produits ainsi qu'à la mise en état de conservation des collections et des fonds reproduits et, d'autre part, l'apport initial d'un financement local ou extérieur et les droits et redevances provenant de la vente des produits. Cet équilibre ne peut être réalisé sans la participation de mécènes et de partenaires techniques et financiers. La recherche de partenaires est une phase importante, voire décisive, de tout projet "Mémoire du monde".

Le Sous-Comité "Marketing" a tenu sa première réunion à Oslo en juillet 1996. Il a esquissé une stratégie de collecte de fonds pour le Programme ainsi qu'un plan de promotion et de marketing et un cadre juridique. Les participants étaient d'avis qu'il existe une possibilité pour "Mémoire du monde" de conclure des accords de partenariat avec les compagnies les plus importantes dans le domaine de la création et de la préservation de la mémoire et de la connaissance. Ils ont également suggéré que le marketing du Programme devait être dirigé dans un premier temps vers les milieux professionnels à travers leurs associations et leurs publications. L'idée d'inviter des auteurs célèbres et des lauréats de prix littéraires a écrire sur le Programme et à mieux le faire connaître a été également évoquée.

CONCLUSION

Le programme "Mémoire du monde" a suscité, dès son lancement, un très grand intérêt. Des demandes d'aide, parfois même des appels au secours, parviennent régulièrement à l'UNESCO. La tâche est immense et seule la mobilisation de toutes les parties concernées permettra de traduire les intentions annoncées en un vaste chantier mondial de sauvegarde, de reproduction et de diffusion des trésors documentaires en péril.

Pour plus ample information, veuillez consulter le site Web de l'UNESCO:
http://www.unesco.org/webworld

Source

Programme "Mémoire du monde" - Première réunion du Comité consultatif international, Pultusk, Pologne, 12-14 septembre 1993, Rapport final. Paris, UNESCO, 1993 (PGI-93/WS/17).

Programme "Mémoire du monde" - Deuxième réunion du Comité consultatif international, Paris, 3-5 mai 1995, Rapport final, Paris, UNESCO, 1995 (CII-95/CONF.602/LD.1).

Programme "Mémoire du monde" - Principes directeurs pour la sauvegarde du patrimoine documentaire, UNESCO, 1995 (CII-95/WS-11)

"Mémoire du monde" - Mémoire perdue : Bibliothèques et archives détruites au XXe siècle. Paris, UNESCO, 1996 (CII-96/WS/1)

"Memory of the World" - A survey of current library preservation activities, Paris, UNESCO, 1996 (CII-96/WS-7)

Proceedings of the First International "Memory of the World" Conference, Oslo, 3-5 June 1996. Edited for UNESCO by Stephen Foster. Oslo, 1996