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66th IFLA Council and General
Conference

Jerusalem, Israel, 13-18 August

 
 


Code Number: 058-145-F
Division Number: VII
Professional Group: Library History
Joint Meeting with: -
Meeting Number: 145
Simultaneous Interpretation:   No  

Le Genizah du Caire : un gisement d'archives médiéval au Moyen-Orient et un centre d'archives moderne à Cambridge

Stefan C. Reif
Genizah Research Unit
Cambridge University Library
Cambridge, UK


Résumé :

Depuis plus de 2 000 ans, le judaïsme rabbinique a traditionnellement assigné un lieu spécifique à la conservation des textes hébreux qui ne devaient plus être diffusés (genizah). Le célèbre Genizah du Caire fut constitué principalement entre le dixième et le treizième siècle, et éclaire tous les aspects de la vie médiévale orientale. La plupart de ses fragments de manuscrits sont conservés à la bibliothèque universitaire de Cambridge et représentent une source d'information unique sur les relations entre Juifs, Musulmans et Chrétiens pendant les Croisades. L'histoire de la collection du Genizah de Cambridge, depuis son acquisition il y a plus de 100 ans, est presque aussi remarquable que son contenu.


Constituer le Genizah

Les références les plus anciennes dans la littérature hébraïque au radical gnz, à partir duquel le terme genizah a été construit, se trouvent dans les derniers passages de la Bible, où genizah désigne le stockage de données précieuses. Le radical, d'origine persane, se retrouve non seulement en hébreu et en araméen, mais aussi plus généralement dans les langues sémitiques, où il veut dire " cacher ", " couvrir " et " enterrer ". Dans la littérature rabbinique des premiers siècles chrétiens, il recouvre des significations similaires et est utilisé pour décrire des trésors spéciaux mis de côté par Dieu, tels que la Torah et les âmes des Justes. Dans la loi religieuse juive, qui interdit l'oubli du nom de Dieu en se fondant sur son interprétation des livres de l'Exode (20 :7) et du Deutéronome (12 :4), genizah est employé pour désigner un texte ou un objet considéré ou autrefois considéré comme sacré de façon légitime ou non, et qui n'a plus été diffusé après avoir été jugé inadéquat pour un usage rituel. Entrent dans cette catégorie des textes religieux controversés, des objets autrefois utilisés pour le culte, des transcriptions fantaisistes du nom de Dieu (qui en hébreu a quatre lettres - tetragrammaton), ou des objets dont le statut sacré n'est pas absolument prouvé. Lorsque la loi juive s'est développée et que les rites de la synagogue se sont davantage institutionnalisés, les communautés ont pris l'habitude de créer un bet genizah, ou simplement genizah, dans lequel pouvaient être conservés des textes de la Bible abîmés ou usés, ainsi que d'autres textes hébreux, dont ceux considérés comme hérétiques, qui contenaient des versets de la Bible ou des références à Dieu. Là ils attendraient de connaître le processus naturel de décomposition.

Dans l'Antiquité et au début du Moyen-Age, il est vraisemblable que des genizot, ou ce qui dans le monde actuel pourrait être identifié comme des collections d'archives précieuses, existaient dans de nombreuses communautés juives. Il semble que certaines d'entre elles enterraient les textes à ne pas divulguer, alors que d'autres les mettaient dans des caves ou des tombes, parfois après les avoir enfermées dans des réceptacles adaptés. Il est même possible que les manuscrits de la Mer Morte (Qumran) proviennent en fait d'un genizah. Mais malheureusement le taux de survie des genizot est très faible, les ravages du temps et du climat d'une part et les vicissitudes de l'histoire juive d'autre part ont favorisé leur transformation en poussière, ou ont considérablement compliqué la recherche de ces textes pour les générations à venir. Toutefois, heureusement, dans le cas du Caire médiéval (Fustat), la première étape du dépôt dans le genizah de la synagogue ne semble pas avoir été suivi du stockage dans une cave ou un cimetière, et en conséquence l'étude de la littérature et de l'histoire juives s'en est trouvée considérablement enrichie.

La communauté juive a longtemps habité le même quartier à Fustat. Par ailleurs, le climat sec de l'Egypte, l'importance capitale de la ville pour l'histoire musulmane et juive pendant de nombreux siècles, et la réticence des chefs de la communauté à prendre concernant son genizah des décisions autres que celle d'accroître son contenu en y ajoutant toutes formes d'écrit, ont contribué à la conservation d'une collection de quelques 210 000 fragments de textes juifs, ce qui correspond à peu près à la quantité de manuscrits trouvés près de la Mer Morte. Il semble que les générations successives ont augmenté la collection en récupérant dans des maisons et institutions du Caire et de ses environs des textes qui ne devaient plus circuler, et des milliers d'entre eux furent déposés dans le genizah de la synagogue Ben Ezra.

La communauté de Fustat a choisi de conserver la plupart des écrits qui sont passés entre ses mains, sans s'attacher à leur statut religieux. Cette décision est à l'origine d'une collection unique en termes de patrimoine historique et culturel mondial. Ainsi ont été rassemblés toutes sortes de textes éphémères qui évoquaient davantage les occupations quotidiennes du peuple que l'idéologie des rabbins et des lettrés. A une époque où personne ne se souciait de la constitution d'archives, on peut expliquer leur conduite par les hypothèses suivantes : ou bien ils considéraient que les lettres hébraïques ou les textes écrits sur ou par des Juifs étaient sacrés par nature, ou bien ils paraient ces textes d'une certain degré de sacré en raison de leurs fréquentes références à Dieu, à la Bible ou à d'autres thèmes religieux. Le sommet de cette " campagne d'archivage ", si l'on peut dire en faisant un anachronisme, fut atteint entre les dixième et treizième siècles, précisément lorsque la communauté connut un âge d'or social, économique et culturel.

Certains textes du Genizah du Caire furent vendus par des responsables de la synagogue à des marchands et à des visiteurs dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle. De célèbres bibliothèques à Saint Pétersbourg, Paris, Londres, Oxford, New-York et Philadelphie ont ainsi acquis d'importantes collections, mais ce fut Solomon Schechter qui obtint l'autorisation de la communauté pour transférer 140 000 fragments à la bibliothèque de l'université de Cambridge en 1897. Les textes du Genizah étaient rédigés en différentes langues (plus particulièrement en hébreu, arabe, araméen), sur du vélin ou du papier, mais également sur du papyrus et du tissu. Leur découverte est celle d'une source fondamentale dans le domaine des études médiévales hébraïques et juives. Grâce à la conservation et aux travaux de déchiffrage et de description des fragments, des zones d'ombre ont disparu et des théories auparavant largement acceptées ont été radicalement remises en cause. Parmi les champs d'études qui ont tiré un large bénéfice de l'utilisation de cette source, on peut citer l'émergence des systèmes grammaticaux hébreux, le développement des lectionnaires des synagogues, les traductions et interprétations de la Bible, l'histoire littéraire de travaux confessionnels tels que le Document de Damas et Ben Sira. Des avancées scientifiques majeures ont pu être réalisées en étude textuelle et exégétique de la littérature liturgique et poétique du Talmud et du Midrash, et concernant l'évolution de la loi religieuse juive. La connaissance et la compréhension du karaisme, de l'Egypte fatimide et de la Palestine des Croisés, d'idiomes juifs particuliers tels que le judéo-arabe, et des activités quotidiennes en Méditerranée, ont également progressé.

Les premiers codex hébreux

Il faut souligner que ces réalisations littéraires sont liées à une modification du processus de transmission de la culture juive au début du Moyen-Age. Quelques codex hébreux des neuvième et dixième siècles, essentiellement des textes bibliques, sont parvenus jusqu'à nous dans leur intégralité. Toutefois, l'examen des fragments montre que nombre d'entre eux appartiennent à des codex traitant de sujets très variés. Le codex hébreu apparut semble-t-il au huitième siècle, peut-être sous l'influence de l'Islam qui avait rapporté ce mode de communication de l'Occident chrétien. Les contenus des rouleaux furent copiés dans des volumes reliés (codex), sur les pages desquels les générations ultérieures firent leurs annotations. A l'origine, de tels codex ne représentaient pas plus de quelques pages pliées, puis devinrent des volumes substantiels composés de nombreux folios. Par cette forme écrite, les traditions orales acquirent davantage d'autorité. La centralisation de la communauté juive sous l'Islam et le haut degré d'alphabétisation rendit possible la distribution et l'acceptation de ces textes.

Qui dit ensemble de livres dit nécessité de les stocker et de les faire circuler. De fait, il a récemment été démontré que dans la communauté juive d'Afrique du Nord aux neuvième et dixième siècles, les textes étaient recopiés et largement diffusés, et que de vastes bibliothèques composées d'ouvrages rédigés en langages divers étaient constituées et vendues. De telles bibliothèques comprenaient non seulement les sources juives classiques, mais aussi les commentaires les plus récents d'une part et des ouvrages de culture générale d'autre part. Elles étaient créées grâce à l'initiative d'individus - des hommes d'affaires davantage que des chercheurs spécialisés - , ou de communautés, grâce à des dons, des collectes de fonds, des achats ; et elles étaient accessibles aux étudiants et aux congréganistes pour leurs usages rituels. En copiant et diffusant le contenu de ces bibliothèques, les Juifs aisés du Maghreb firent connaître une large variété d'œuvres littéraires à d'autres communautés et exercèrent ainsi une puissante influence sur la qualité des réalisations culturelles juives.

L'impressionant contenu du Genizah du Caire est également dû en partie à l'arrivée au Caire de réfugiés juifs de Tunisie et au transfert de richesses bibliographiques réalisé depuis les communautés nord-africaines vers le centre égyptien. Dans le Genizah se trouvent aussi de nombreuses listes de livres, ce qui prouve l'existence de littérature de référence pour l'éducation dans les communautés. Ces listes contiennent invariablement des bibles, des livres de prière, des textes talmudiques accompagnés de commentaires, des brochures juridiques et théologiques juives, ainsi que des travaux scientifiques, médicaux et philosophiques, parfois pour une vente publique. On trouve également ce délicieux texte rédigé par un bibliophile qui avait commandé un meuble de bibliothèque et faisait l'apologie de ce type de mobilier en soulignant son importance pour l'éducation. Apparemment il était prévu que ce texte soit gravé sur le meuble. Il est enfin remarquable de noter que lorsque la communauté juive égyptienne a collecté des fonds pour payer la rançon des Juifs qui avaient été capturés par les Croisés en Terre Sainte au douzième siècle, elle a aussi payé les conquérants pour récupérer intacts des livres juifs.

Musulmans, Chrétiens et Juifs

Compte tenu de l'environnement islamique dans lequel ils vivaient, il n'est pas surprenant de constater que la langue arabe a joué un rôle majeur dans la vie juive et que les Juifs ont bâti et meublé leurs maisons, porté des bijoux, et vaqué à leurs intérêts commerciaux et culturels de la même façon que leurs voisins musulmans. Ils se rendaient même mutuellement visite lors de festivités religieuses. L'échange d'idées religieuses a parfois produit des résultats comme, par exemple, l'adoption d'idées mystiques de même type que celles des Soufis, mais a également suscité des réactions contraires comme, par exemple, la défense de l'interprétation juive de l'Ecriture ou de la philosophie religieuse juive contre les contestations des non-Juifs.

De statut, les Juifs et les Chrétiens étaient des dhimmis aux yeux des Musulmans, c'est-à-dire des minorités monothéistes dont l'existence était tolérée par l'Islam, et aussi longtemps qu'ils n'offensaient pas les Musulmans en prétendant à l'égalité, ils pouvaient vivre sans être inquiétés, lorsque les dirigeants musulmans étaient plutôt tolérants. Les Juifs acquittaient leur impôt spécial, portaient des vêtements qui les distinguaient, ne construisaient pas de synagogues plus hautes que les mosquées, et s'occupaient de leurs affaires. Parfois, les dirigeants musulmans adoptaient une position maximaliste. Ils pouvaient éventuellement remettre en cause l'existence de lieux de cultes non-musulmans ; les dirigeants locaux pouvaient interdire les sacrifices rituels juifs, exiger davantage de taxes, ou refuser leur accès aux puits. Sous le règne du calife fatimide al-Hakim (99-1021), les Juifs du Caire ont rédigé une chronique (megillat misrayim) dans laquelle ils l'ont remercié de les avoir sauvé de la foule et du recouvrement des impôts par voie de justice, mais ce fut le même homme qui ordonna la destruction de toutes les synagogues et églises, et dont les troupes commirent meurtres, viols et pillages au Caire et à Damas. Généralement, toutefois, les échanges interculturels s'avéraient fructueux, particulièrement sous les Fatimides, du dixième au douzième siècles.

Il est maintenant prouvé que Musulmans, Chrétiens, et Juifs moyen-orientaux ont eu de nombreux échanges intellectuels. Ils connaissaient chacun les traditions et textes des autres, parfois en faisaient une version dans leur propre langue, l'intégraient à leur littérature, et parfois les critiquaient et les tournaient en dérision. Dans un débat religieux entre Rabbanites et Karaites qui eut lieu à la fin du dixième siècle, le vizir fatimide Ya qub ibn Killis, Juif converti à l'Islam, cita le contenu du livre de prières de Sa adya ben Joseph pour ridiculiser la liturgie juive. Bien qu'il y ait eu parfois des rendez-vous romantiques entre un homme et une femme d'obédience religieuse différente, les mariages inter-religieux n'étaient pas un phénomène répandu. En revanche, la conversion l'était. Comme en Europe chrétienne, il se trouvaient des Juifs qui souhaitaient tellement arriver au sommet de l'échelle sociale et politique qu'ils se convertissaient à la religion dominante. Certains rendirent la vie difficile à leurs anciens coreligionnaires, alors que d'autres conservèrent une certaine sympathie pour eux, et entretinrent le dialogue religieux avec eux. Mais le mouvement n'était pas à sens unique, et on trouve des traces de Musulmans et Chrétiens fortement indisposés par des conversions au judaïsme. Les dossiers des courts rabbiniques font référence à des approches effectuées par des non Juifs souhaitant se convertir. Selon la coutume talmudique, ils étaient découragés, mais un certain nombre, dont des femmes, avaient suffisamment de détermination pour refaire leur demande jusqu'à ce qu'ils soient acceptés et même mariés dans la communauté juive. Un converti ne déplorait qu'une seule chose : qu'il n'y ait que du pain casher !

Les Juifs en Palestine

Les découvertes du Genizah ont éclairé les zones d'ombre de l'histoire juive palestinienne, et contiennent des éléments sur la façon dont les Juifs de Palestine ont conduit leur vie publique, personnelle et intellectuelle dans les siècles juste avant et après 1099, année qui marque le début des invasions des Croisés. Il s'avère que les Juifs furent encouragés à se réinstaller à Jérusalem après la conquête arabe du septième siècle et qu'en dépit des conditions économiques difficiles et des soulèvements politiques provoqués par les prétentions musulmanes sur le territoire, les communautés se sont accrues et ont prospéré. Des fragments citent Ramla comme capitale et évoquent la panique causée par le terrible tremblement de terre de 1033, tant à Ramla que dans les ports florissants de Tyr et Acre, dans le centre de la Torah et des textiles qu'était Tiberiade, et dans la puissante forteresse d'Ashkelon. C'est peut-être en raison de ce tremblement de terre qu'une partie du bâtiment qui abritait la synagogue des Juifs palestiniens à Ramla était toujours en ruines en 1039. Pour obtenir les fonds nécessaires au paiement de réparations et d'entretien, les chefs de la communauté louèrent une partie du terrain à Sedaqah, fils de Yefet, pour un montant annuel d'une demi pièce d'or. Mais il y eut des périodes plus difficiles. Pendant la première moitié du onzième siècle, par exemple, les lettres font référence à des combats entre des insurgés bédouins et les dirigeants fatimides, en fournissant d'horribles détails sur les vols, les viols, le poids écrasant des impôts.

Plus tard, les Juifs ont combattu aux côtés des Musulmans dans un effort désespéré pour défendre la Terre Sainte contre les attaques chrétiennes et, lorsqu'ils étaient battus, ceux qui ne pouvaient fuir étaient massacrés ou capturés. Certains témoins racontent que d'importants efforts pour collecter de l'argent durent être faits dans d'autres centres juifs afin de payer les rançons exigées par les Chrétiens pour libérer les prisonniers juifs. Ceux qui réussissaient à s'échapper se dirigeaient vers les villes de la côte libanaise au nord ou vers l'Egypte au sud ; et de nombreux documents témoignent de leur tenacité à maintenir leurs traditions et leur identité pendant deux ou trois siècles. Contrairement à ce qu'on pensait, il restait un nombre important de Juifs en Palestine sous domination croisée.

Bien que peu de Juifs vivaient dans ou à l'extérieur de Jérusalem, il y avait des communautés actives et parfois prospères dans les autres centres urbains. Après la recapture de la Ville Sainte par Saladin en 1187, les Juifs y rebâtirent leur communauté et, en dépit d'une situation précaire, ils furent renforcés par l'arrivée d'émigrants d'Europe de l'ouest. Une situation défavorable en Angleterre et en France à la fin du douzième et au début du treizième siècles, ajoutée à l'attirance spirituelle que suscitait l'idée d'une installation sur la terre d'Israël encouragea un certain nombre d'éminents rabbins et leurs fidèles à émigrer (aliyah).

Le vingtième siècle

Nous pouvons maintenant quitter l'Egypte médiévale pour évoquer Cambridge. Il y a plus d'une centaine d'années que Solomon Schechter a rapporté son précieux ensemble de manuscrits hébreux ; et nous pouvons faire le point sur les réalisations de générations de bibliothécaires et de chercheurs. La division de ce siècle en cinq périodes chronologiques distinctes s'impose d'elle même. La première, celle de Schechter et de ses contemporains, était marquée par un enthousiasme et un labeur intense qui posèrent les bases des recherches ultérieures. Le bibliothécaire de l'université faisait preuve d'un esprit coopératif et s'impliqua beaucoup dans l'organisation de la conservation des manuscrits et de leur consultation. Ainsi une équipe de chercheurs et de bibliothécaires se mit au travail sur environ 30 000 fragments de la collection (la " vieille série "). Puis l'intérêt institutionnel fit place à la recherche individuelle, et alors que la bibliothèque de l'université de Cambridge se concentrait sur d'autres choses et cherchait à survivre à la Première Guerre mondiale et à la crise, le centre de recherches sur le Genizah déménagea, en emportant dans ses cartons pour un temps quelques 251 fragments ! Un assistant relieur était le seul à la bibliothèque de l'université à connaître suffisamment les fragments du Genizah, et l'un des bibliothécaires déclara même que les 110 000 pièces qui restaient auraient dû être brûlées des années auparavant. Autour de la Seconde Guerre mondiale, la bibliothèque disposa de personnel compétent sur les questions orientales, ce qui favorisa un intérêt accru pour le Genizah et se traduisit par l'élaboration de projets de recherche audacieux et des tentatives menées par des personnels de la bibliothèque pour réaliser un catalogue du nombre croissant de publications sur les manuscrits du Genizah. En grande partie inspirés par le développement des études universitaires juives dans le nouvel Etat d'Israël, ces efforts furent portés à leur maximum dans les années 1950 sous la houlette de S.D. Goitein, avec le tri de plus de 4 000 fragments de la " série nouvelle ". La Faculté des études orientales et la bibliothèque de l'université préconisèrent formellement en 1960 la nomination d'un chercheur expérimenté comme bibliothécaire assistant pour organiser le tri, l'identification et le catalogage de la collection, et tenir à jour une liste de toutes les publications qui lui étaient relatives. Il organiserait également la participation de chercheurs extérieurs au programme de catalogage en fonction de leur spécialité, et s'occuperait de la valorisation des activités de la bibliothèque et de l'université vis-à-vis du monde extérieur, particulièrement en présentant leur utilité pour la recherche en études juives. Il n'y eut pas suffisamment de fonds pour mettre en œuvre le programme complet, mais il fut possible en 1965 de nommer le premier bibliothécaire responsable à plein temps de la collection du Genizah de Cambridge, de sa communication et du catalogage de ses fragments. De nouvelles boîtes furent ajoutées à la " nouvelle série ", le projet de microfilmage fit des progrès, le nombre de fragments publiés augmenta dans le catalogue de la bibliothèque, et un flot ininterrompu de chercheurs poursuivit son travail sur la collection.

La période des vingt-sept dernières années a connu de nouvelles réalisations. En 1973 a été créée une unité de recherche sur le Genizah qui sert de cadre à la réalisation d'un programme complet de travail sur la collection. Les trente-deux caisses de fragments en vrac qui restaient ont été triées en 1974 et 1975 et leur contenu réparti dans la " série additionnelle " selon un classement thématique. Avec l'aide de fonds extérieurs, le microfilmage et la conservation des 140 000 fragments ont été terminés en 1981. Une équipe de chercheurs a catalogué environ 65 000 fragments, et a localisé quelques 50 000 publications sur les pièces du Genizah de Cambridge avec l'aide d'un programme informatique spécial. Les Presses universitaires et la bibliothèque de l'université de Cambridge ont coopéré pour la publication de douze volumes dans une collection inédite appelée Genizah Series. L'unité de recherche s'est occupée de jeunes chercheurs, de chercheurs étrangers, de projets coopératifs internationaux et d'expositions. Plus de 1.3 millions venant de sources financières extérieures ont contribué à la réalisation des projets de l'unité, et une information régulière sur l'avancée des recherches sur le Genizah fut diffusée par l'intermédiaire de la lettre Fragments du Genizah, les media, et Internet.

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