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66th IFLA Council and General
Conference

Jerusalem, Israel, 13-18 August

 
 


Code Number: 063-110-F
Division Number: VI
Professional Group: Management and Marketing - Part I
Joint Meeting with: Information Technology and Social Sciences Libraries
Meeting Number: 110
Simultaneous Interpretation: Yes

Migration vers la bibliothèque de demain: faudra-t-il une révolution?

Tatiana V. Ershova

&

Yuri E. Hohlov

Institute of the Information Society, Russia
Moscow, Russian Federation


Paper

Présentation

Tatiana Ershova obtint, en 1980, son diplôme de l'Institut pédagogique d'État Maurice Thorez des langues étrangères de Moscou. Elle travailla à la bibliothèque d'État de 1985 à 1998, la plus grande en Russie et la deuxième nationale du monde. Elle fut successivement responsable des acquisitions et des échanges, directeur adjoint et directeur en titre. Madame Ershova est présentement directeur général de l'Institut russe de l'information, une o.n.g. de promotion de l'information au sein de la fédération. Elle possède une grande expérience de la gestion, de la conceptualisation et du développement stratégique des institutions d'un pays ou d'une région, de l'organisation et de la conduite de congrès et d'ateliers tant nationaux qu'internationaux. Elle a publié au-delà de 30 articles dans les revues professionnelles et les journaux.

Yuri Hohlov est diplômé de l'Université d'État de Kazan (1976). Il obtint un doctorat en mathématiques en 1980. Il fut chargé de cours, professeur adjoint et professeur, aux universités de Kazan (Tatarstan) et de Donetsk (Ukraine) et enseigna à 17 universités et instituts en Europe et en Amérique du Nord. Il fit de la recherche dans deux des meilleurs établissements en mathématiques de l'Académie russe des sciences (1988-93, 1995-98), fut directeur du Département de l'informatique et des télécommunications de la Fondation russe de recherche fondamentale (1993-95), directeur adjoint de la Bibliothèque d'État (Automatisation et technologie de l'information, 1996-98), promoteur et gestionnaire d'importants systèmes d'information pour l'industrie et la science. Présentement, monsieur Hohlov est président de la section russe du Bureau de l'Institut de l'information, président du groupe supérieur d'experts chargé du développement de l'information au conseil municipal de Moscou, membre de nombreuses organisations internationales d'évaluation de programmes de TCI et président de la Section des techniques d'information de la Fiab. Il est l'auteur d'une monographie et de plus de 50 articles publiés dans les grandes revues scientifiques russes et étrangères.

 

Le monde en mutation : naissance d'une société du savoir

L'ère de l'information est arrivée et le rythme des changements dans la société continue de croître. Le changement est continu et généralisé, il affecte les citoyens, les sociétés et les institutions. Il est semblable à un typhon qui produit non seulement des problèmes mais également des occasions. Les TCI ou techniques de communication et d'information sont le vecteur de changement; les transformations sont à l'ordre du jour. L'intelligence remplace la force comme facteur premier de la production : le capital intellectuel devient le facteur essentiel de la croissance de la société de l'information ou, comme on dit depuis peu, de la société du savoir. L'accès à l'information, à la connaissance, aux technologies, aux services périphériques et leur utilisation efficace sont des outils essentiels de développement économique et social aux niveaux personnel, communautaire, national et international. Les usufruitiers de ces instruments connaîtront l'abondance, mais ceux qui les ignoreront seront marginalisés.

De manière à produire une société harmonieuse, le réseau Global knowledge partnership (http://www.globalknowledge.org), formé d'environ 60 organismes privés et publics de différents pays, propose qu'on se concentre sur trois thèmes centraux du développement et des connaissances : l'accès, la croissance du pouvoir personnel et la gouvernance.

L'accès implique la disponibilité généralisée des stratégies et des outils nécessaires à une utilisation efficace de la connaissance, c'est-à-dire l'accessibilité aux réseaux, aux infrastructures et aux services de même qu'aux données à la base de la citoyenneté politique et socioculturelle. Tout cela permettra aux citoyens de communiquer avec l'extérieur.

L'"empowerment" peut se définir comme le résultat d'activités qui augmentent les capacités et les habiletés des personnes, des groupes, du secteur privé, des gouvernements et des institutions de sorte qu'ils puissent devenir partie prenante de la société et de l'économie des connaissances et faire des choix rationnels en fonction de leurs besoins.

La gouvernance est le processus par lequel les institutions, les entreprises et les groupes de citoyens définissent leurs intérêts, exercent leurs droits et leurs devoirs, évaluent les choix, les occasions et arbitrent leurs différends. Elle suppose la recherche de moyens susceptibles de mener à des formes de gouverne plus efficaces, plus transparentes et plus participatives tant au niveau local et régional que national et global.

Dans le contexte du développement de la société de la connaissance (1, p. 4), on peut faire les propositions suivantes : 1) l'information et la connaissance constituent le fondement de la prise de décision et de l'action et, surtout, de la croissance; 2) la valeur des décisions est fonction de la qualité et de la quantité des données, encore que leur qualité doit être évaluée même si elles sont abondantes; 3) l'accès à l'information et à la connaissance est le fruit de l'amélioration de la qualité de la vie et d'un cadre favorable; 4) on aura toujours des inégalités dans la société mais il faut tâcher d'amoindrir celles qui persistent.

Ces quatre propositions constituent des défis pour les bibliothèques et leur rôle social actuel et elles suggèrent une révision de leurs fonctions et, conséquemment, de leur mission.

 

Évolution du système des connaissances et de l'imprimé

En plus des éléments de la réalité identifiés, trois autres facteurs généraux ont une grande influence sur le rôle social des bibliothèques : la croissance exponentielle de l'information, la complexité croissante des connaissances et de leur représentation, la transformation de l'univers du livre.

Actuellement, de plus en plus de gens (des chercheurs avant tout) utilisent de nouvelles formes de représentation de la connaissance, lesquelles se distinguent de la forme linéaire d'un article ou d'un livre imprimés. On y trouve du texte, des images, des comptes rendus audio de discussions, des enregistrements vidéo d'expériences, un logiciel de calcul, etc., toutes choses impossibles avec une publication traditionnelle. Au demeurant, les données plus scientifiques (ou même culturelles) seront mises sur des supports dernier cri, mises à jour et révisées sur une base permanente. Aussi, sommes-nous les témoins d'un processus qu'on peut définir comme la réingénierie du système dit littéraire.

Geoffrey Nunberg, professeur à Stanford University, souligne que les nouveaux supports, tels que le multimédia ou l'hypertexte, doublent le livre en inspirant de nouveaux types de lecture et d'échanges intellectuels ou culturels. Un dictionnaire peut être relié à une encyclopédie et cette dernière peut mener à un document de base. À la limite, ces pratiques peuvent apparaître comme des modèles de nouveaux services d'aiguillonnage et d'interfaces renouvelées appelés à remplacer les répertoires statiques. Il ne s'agit pas tant d'une révolution technique (chose déjà faite) que de la réinvention d'une communauté intellectuelle qui lui est consécutive, comme l'a noté Carla Hesse. De fait, le savoir n'est plus conçu ou établi dans le langage des formes, comme un corps ou un corpus de connaissances, délimité et emmagasiné, mais plutôt comme des modes de pensée, d'appréhension et d'expression. Bref, des techniques et des pratiques.

La technologie numérique permet des liaisons ultrarapides (grâce à des interfaces et à des réseaux conviviaux) avec les sources les plus riches où qu'elles soient situées et des échanges de commentaires également rapides au moyen de forums électroniques ou de conférences vidéo. Ces possibilités favorisent la lecture intensive, la comparaison entre les textes et les points de vue, la transversalité multidisciplinaire, le dialogue entre les lecteurs. Aussi, commencent-elles à marquer tant la mécanique individuelle d'appropriation des textes que la sociologie de la lecture. La réelle polytextualité - par laquelle différents textes, images, sons, films, banques de données, services postaux, réseaux interactifs peuvent interférer les uns avec les autres - conduit à une réalité nouvelle : polymorphisme, transversalité et dynamisme. On peut l'appeler "métalecture" et elle devient une nouvelle force culturelle. Plutôt qu'un apriorisme stratégique qui commande le catalogage des documents selon une classification universelle, l'hypertextualité inspire une tactique de petits pas, l'établissement de liens réciproques après coup et la liaison entre les recherches et les simples points de vue. Bref, on mise sur la pluralité du monde de la documentation. C'est l'idéal d'un savoir cohérent, convergent et univoque (dont la bibliothèque serait un microcosme). Tout en faisant sauter les limites du texte, l'hypertextualité ravive l'une des questions à la base de la culture : par quels canaux l'expérience individuelle et les pratiques collectives seront-elles mise en contact? (2, p. 154, 161-162).

En passant, la nouvelle présentation de la connaissance a donné naissance à une multiplicité surprenante de projets architecturaux : celui de la Bibliothèque nationale de France - un édifice sans murs, une bibliothèque sans adresse; celui des bibliothèques parlementaires des nouvelles assemblées d'Europe de l'Est; un réseau d'antennes coordonnées reliées à des bases de données éloignées les unes des autres et localisées nulle part si ce n'est dans les mains des utilisateurs - l'Union Media center de Michigan State university.

L'évolution du système d'apprentissage et de connaissance en est rendu au point que l'on pose la question existentielle : quel est l'avenir du livre ? Technophiles ou théologiens de l'informatique et bibliophiles présentent deux points de vue opposés. Pour les uns "les livres et les bibliothèques ... ont été remplacés par les ressources électroniques; la narration linéaire a laissé la place à l'hypertexte et au multimédia". Pour les autres, "personne ne lira un roman à un petit écran spasmodique. Jamais".

Il n'y a aucune raison d'essayer de réconcilier les deux positions. Mieux vaut voir quels types d'imprimés survivra à l'ère de l'information et lesquels seront remplacés par des produits numériques.

Nunberg soutient que les livres du type codex qui n'ont aucun lien avec la culture (les catalogues, les manuels techniques, les répertoires, les règlements, les dossiers juridiques, etc.) disparaîtront probablement bientôt. Les revues scientifiques adopteront sans doute la distribution électronique mais un tel choix n'est pas aussi certain pour les journaux et les magazines. Les cédéroms font déjà diminuer l'utilisation des encyclopédies imprimées mais les dictionnaires ne semblent pas affectés par la numérisation. En ce qui concerne les romans, les guides pratiques, les mémoires politiques, les éditions critiques, les livres d'art, les guides touristiques, etc., il est trop tôt pour trancher. Certains continueront probablement à s'appuyer sur les imprimés, d'autres feront appel à la fois à ces derniers et aux supports numériques, d'autres, enfin, feront un choix décisif et n'utiliseront plus que les produits numérisés. On connaîtra une révolution numérique mais le document imprimé y aura sa place.

De ce dernier point de vue, l'approche la plus équilibrée semble celle exprimée, en 1994, par James Billington, directeur de la Library of Congress : les nouvelles techniques de l'ère du multimédia doivent servira à "renforcir le rayonnement du livre". D'un autre côté toutefois, nous aimons l'idée mise de l'avant par Umberto Eco, le renommé écrivain et philosophe : lorsqu'une chaîne intégrée de produits multimédia réussit à ramener les gens à une réalité vraie, du nouveau peut en résulter.

 

La bibliothèque et les défis du nouvel environnement

Les bibliothèques et les archives furent mises sur pied afin d'assurer l'accessibilité à long terme de l'information enregistrée. C'est leur apport actuel et cela le sera à l'avenir. Leur mandat suppose qu'elles rassemblent, cataloguent ou traitent, ordonnent, mettent à disposition et conservent les documents publics disponibles, quelle qu'en soit la forme, de sorte qu'on puisse les repérer et les consulter au besoin. Cette fonction est propre aux bibliothèques, lesquelles sont les seules institutions à l'assumer d'une manière systématique en pensant aux générations à venir. Le monde numérique n'y change rien. Mais sa technologie modifie le poids relatif des fonctions essentielles (3,4).

Le changement est tout autant socioculturel que technique. Patrice Bazin, directeur de la Bibliothèque de Lyon, souligne que la complexification de la connaissance et les méthodes de traitement de l'information semblent accompagnées de référents stables mais passagers, identifiables et transmissibles, comme l'était "l'ordre du livre" (mots de Roger Chartier - 5). Il semble naturel que les bibliothèques continuent de jouer un rôle important, davantage que la simple conservation du patrimoine. Mais pourront-elles être des intermédiaires dans la société du savoir? Pour l'heure, elle peuvent difficilement jouer ce rôle, tout au moins pour les chercheurs et les spécialistes de divers champs d'études, lesquels, éperonnés par la concurrence des pairs, suivent de près, et beaucoup plus rapidement que les bibliothèques et les autres agents d'information, les nouvelles pratiques de repérage relatives aux techniques et savoirs récents.

Lorsque la notion de collection échappe à sa réalité physique, elle tend à croître indéfiniment. On y inclura naturellement des éléments jugés triviaux ou éphémères. Quand on détruit les murs d'une bibliothèque, il ne faut pas se surprendre de voir le tout-venant occuper les salles de lecture. La solution (imaginée par Nunberg) est d'aider l'usager à trouver son chemin dans le labyrinthe et non de défendre l'accès aux collection selon des critères arbitraires.

L'accès au savoir et à la culture grâce à une multitude de sources (ou traditionnelles, ou récentes et multiformes), en différentes langues et d'origines variées suppose la présence de supports consultables. Le problème sera solutionné à l'intérieur d'un contexte polyvalent de bibliothèque numérique.

 

Développement stratégique : une bibliothèque hybride et numérique

L'une des principales difficultés que le bibliothécaire doit affronter est celle du travail dans un contexte hybride de documents imprimés et de documents numériques. Le concept de bibliothèque hybride implique le goût de tirer profit de la diversité, donnée essentielle au moment où les bibliothèques essaient de se familiariser avec l'information numérisée. La grande question à laquelle il faudra répondre concerne les formes de connaissance en émergence et les façons dont les bibliothèques s'adapteront aux transformations du monde de l'information et de la recherche (6).

Sans remettre en cause la valeur des documents manuscrits ou imprimés et celle des bibliothèques traditionnelles en tant que lieux d'échanges culturels, reconnaissons honnêtement que de plus en plus de données inédites sont numérisées pour le plus grand intérêt des utilisateurs. Mais une interrogation se pointe : qui assumera la responsabilité de regrouper et de conserver précieusement ces données en vue de leur utilisation ultérieure ? Pour le moment, elles sont conservées par les auteurs, lesquels les mettent constamment à jour sans se préoccuper vraiment des versions antérieures. Aussi, des données aujourd'hui jugées secondaires mais contenant des germes de sagesse seraient perdues. Il serait important que des organismes sociaux, maintenant ou demain, prennent cette responsabilité. Seront-ce les bibliothèques? Nous aimerions répondre "bien sûr". Mais pour que se soit le cas, il faudra que la bibliothèque actuelle se mette à l'heure du numérique et qu'elle en fasse un facteur essentiel de sa stratégie de développement.

On peut considérer qu'une bibliothèque numérique est "un système partagé d'information supposant un entreposage fiable et la consultation efficace des collections hétérogènes de documents électroniques (textuels, graphiques, audio, vidéo, etc.) grâce à des réseaux globaux de transfert de données adaptés à l'usager de base" (7). Ou encore : "un système d'information par lequel toutes les données sont disponibles électroniquement et dont les fonctions d'acquisition, d'entreposage, de conservation, de repérage, d'accès et de visionnement reposent sur les techniques numériques" (8).

Les bibliothèques numériques sont en mesure d'assurer la conservation et la migration de l'information électronique (numérique au départ ou numérisée après coup) autant que les services à valeur ajoutée qu'on attend d'elles, comme les instruments de repérage à l'intérieur de collections multiformes, les services adaptés au profil des utilisateurs ou basés sur un sommaire des centres d'intérêt de ces derniers et facilitant leur évaluation du document, une infrastructure commune qui permet à un groupe d'usagers d'indexer et d'évaluer les documents de leur champs d'études, la possibilité de repérage croisé, d'interrogation de bases de données multilingues, l'accès à une interface multilingue, etc. (9, p. 184, 197, 215, 274, 294, 363).

Actuellement, les bibliothèques numérisées prennent forme à l'extérieur de la bibliothéconomie conventionnelle. La raison en est non pas un manque de sensibilité aux avancées des bibliothèques numérisées (plusieurs professionnels et associations portent attention au concept) mais une simple impossibilité financière face aux coûts de l'équipement et de la technique. Même la création d'un environnement hybride nécessaire à la réalité nouvelle et à l'information numérique est retardée en raison d'éléments rédhibitoires comme les logiciels, la quincaillerie, les réseaux, etc.

 

Principes de changements pour les bibliothèques

Moscou accueillit, du 17 au 19 avril 2000, la rencontre internationale "Diriger l'évolution numérique des bibliothèques". Le "Manifeste de Moscou" (10) qui en découla identifiait la contribution possible des bibliothèques à l'égard des politiques de base :

  • Démocratie et citoyenneté. Les bibliothèques ouvertes à tous ont une occasion stratégique d'enrichir la qualité de la vie et celle de la vie démocratique des citoyens en leur offrant un accès égal et gratuit à une information de première classe et aux différentes opinions, en aidant à combattre les inégalités de santé et de situation.

  • Développement économique et social et aide à l'industrie. Les bibliothèques contribuent à la création de la richesse en assurant un accès équitable à l'information et aux possibilités résultant de la connaissance. Elles peuvent jouer un rôle important dans la diminution de l'écart entre les inforiches et les infopauvres du peuple russe.

    Savoir, enseignement et perfectionnement. Les bibliothèques offrent, à travers leur large réseau, une infrastructure relativement peu coûteuse tant pour l'enseignement formel que pour l'apprentissage permanent. Elles aident les étudiants à tous les niveaux d'enseignement.

  • Diversité linguistique et culturelle. Les bibliothèques publiques sont des établissements culturels au sens large. Elles appuient, préservent et promeuvent le patrimoine culturel écrit, la littérature, l'alphabétisation, les auteurs et les éditeurs. Elles mettent la connaissance des différentes formes d'expression culturelle à la disposition de tous.

Si l'on veut la réalisation de ces contributions, il est important d'étudier et de mettre en pratique, tant au niveau national qu'au niveau international, des politiques originales destinées 1) à améliorer l'accès des citoyens à l'information en prenant en compte les questions juridiques, techniques, économiques et politiques qui pourraient limiter l'utilité des bibliothèques; 2) à aider ces dernières à répondre aux besoins des citoyens en recommandant, par exemple, des structures, des alliances et des programmes d'apprentissage adaptés (11)

L'entraînement suppose, entre autres choses, profondeur et long terme : encourager l'établissement de règles de déontologie et une nouvelle culture professionnelle ouverte à l'évolution et à sa prise en compte. Les conservateurs doivent s'assurer que les établissements sont centrés sur les lecteurs et administrés en gardant le cap sur leurs besoins.

On a noté plus haut que les bibliothèques sont plus efficaces quand elles forment un réseau. L'affirmation semble particulièrement pertinente dans un univers numérique au sein duquel le partage des ressources et des techniques constitue une condition de survie et de croissance. De surcroît, le réseautage doit être amélioré par l'intégration, c'est-à-dire par une coopération efficace entre les bibliothèques et les entreprises de création ou de diffusion des connaissances et de la culture - établissements de recherche, archives, musées, éditeurs, etc. - grâce à l'utilisation de normes, de formats, de métadonnées et de protocoles communs ainsi qu'au partage des responsabilités.

L'expansion des fonctions pourrait produire d'autres bénéfices pour les bibliothèques. Elles pourraient devenir économiquement viables et atteindre un haut rapport coûts-bénéfices si elles adoptaient des pratiques nées dans le sillage du monde numérique comme la collecte des droits des documents électroniques ou la numérisation de textes originaux. La conservation à long terme des données numérisées à l'aide de techniques en évolution constitue également un créneau payant pour les bibliothèques et les entreprises du secteur. Celles-là sont ordinairement les plus importants clients des éditeurs électroniques et, parfois, les seuls. Elles promeuvent également les produits multimédia et peuvent attirer l'attention des entreprises de télécommunication en fournissant l'accès en ligne aux services de documentation et d'information présents sur les réseaux.

 

Conclusion

La bibliothèque se doit d'occuper une fonction clé dans la société émergente de l'information et du savoir : la préservation et la transformation des données en vue de leur consultation selon les besoins. Cela implique non seulement le maintien de sa mission traditionnelle mais surtout son enrichissement. Que faudrait-il pour y arriver le plus rapidement possible : une révolution ou une évolution? La bonne solution résiderait dans une combinaison d'approches plutôt que dans un choix du type "révolution ou évolution".

La révolution que la bibliothèque doit réaliser signifie d'abord l'entrée, comme membre à part entière, dans le club numérique. Cela implique - en plus de l'utilisation des documents électroniques, ce qui va de soi - un réseautage national et international efficace avec les autres bibliothèques et institutions, car la bibliothèque doit œuvrer au développement d'une banque partagée de connaissances générales.

Pour la bibliothéconomie, le changement suppose que la bibliothèque devienne un "art des flux" au lieu d'un "art de classification", comme ce fut traditionnellement le cas. La bibliothèque de l'avenir devra s'organiser autour de disciplines, comme autant d'attrayants bassins aux contours, aux perspectives et aux usages variables. Le mot de passe de la révolution de la gestion documentaire est l'ajustement des contenus : un domaine donné devra faire l'objet d'une mobilisation aux titres des collections, des instruments et des données. On devra tenir compte de tous les usages possibles et de tous les niveaux d'utilisation.

La flexibilité découlant de l'évolution permet de faire face à l'explosion documentaire et technique de même qu'à la disparition des frontières entre les usages et entre les usagers. Aussi, faudra-t-il envisager l'observation constante du lectorat et de ses besoins à venir grâce à la mise en branle de méthodes de recherche perfectionnées.

Le plus grand défi sera la maîtrise d'un environnement complexe. Il sera difficile de réconcilier, pendant une assez longue période, le système patrimonial hérité du passé avec la création et la fonction d'une interface entre l'ancien et le moderne. On devra dégager beaucoup de crédits permanents, mais la société doit assumer les dépenses (puisqu'il faut archiver et utiliser le savoir et la sagesse sécrétés par les hommes) comme ce fut le cas jusqu'ici pour des bibliothèques sans doute moins dispendieuses.

Les bibliothèques doivent être le point de convergence des processus et des phénomènes propres à la société de l'information. On doit faire en sorte qu'elles ne perdent pas leur place; mieux, qu'elles deviennent plus utiles qu'elles le furent dans la société de l'ère industrielle.

 

Ouvrages consultés

  1. Report on the Global knowledge forum proceedings ; second Global knowledge conference (GKII), 7-10 March 2000, Kuala Lampur, Malaysia. 56 p.

  2. The Future of the book / Edited by G. Nunberg, with an afterword by U. Eco. Berkeley, 1996. 306 p.
    Nunberg, p. 9-20 (introduction), 103-138; Hesse, p. 21-36; Bazin, p. 153-168; Eco, p. 295-306.

  3. Smith, A. Digital preservation research and developments; proceedings of the International conference "Managing digital future of libraries", Moscow, Russia, 17-19 April 2000. Russian Digital libraries journal, 2000, vol. 3, no 3 (URL http://www.iis.ru/el-bib/2000/200003/smitha/smitha.en.htm).

  4. Ryynänen, M. Report on the Green paper on the role of libraries in the modern world (25.6.1998 A4-0248/98) / The European Parliament, Committee on culture, youth, education and the media (URL http://www.publiclibraries.fi/publications/report.htm)(updated on 8 March 2000).

  5. Chartier, R. et P. Bourdieu, Le message écrit et ses réceptions; du codex à l'écran/ Revue des sciences morales et politiques, 1993, no 2.

  6. Rusbridge, Ch., Royan, B., Towards the hybrid library : developments in UK higher education : proceedings of the 66th Ifla Council and General conference, Section on information technology open session "From library automation systems to digital libraries" (Jerusalem, Israël, 16 August 2000).

  7. Ershova, T.V., Hohlov, Yu. E., Russian digital libraries programme : approaches and perspectives / Russian digital libraries journal, 1999, vol. 2, no 2 (URL http://www.iis.ru/el-bib/1999/199902/ershova/ershova.en.html).

  8. Oppenheim, Ch., Smithson, D., What is the hybrid library ? / Journal of information science, 1999, vol. 25, no 2, p. 97-112.

  9. Research and advanced technology for digital libraries : proceedings of the Third European conference, ECDL 99 (Paris, France, September 22-24, 1999) / Ed. by S. Abiteboul and A.M. Vercoustre. Berlin : Springer, 1999. XI, 494 p. (Lecture notes in computer science, 1696).

  10. The Moscow manifesto : Russian libraries of the 3rd millennium and their role in the Global information and knowledge space (adopted at the International conference "Managing the digital future of libraries", Moscow, 17-19 April 2000).

  11. Policy development in the library area / European commission. DG information society. Cultural heritage applications unit (URL http://www.cordis.lu/libraries/en/green.html) (updated 8 March 2000).

Texte traduit de l'anglais au français par Gaston Bernier Québec, Canada

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Latest Revision: July 06, 2000 Copyright © 1995-2000
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